Des jeans durables

par
joris
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Le chef étoilé Gert De Mangeleer ne se pose pas seulement en défenseur d'une cuisine durable. Avec Luc De Maeght, ami de la maison et styliste pour le label de jeans Atelier Noterman, il veut offrir une alternative à l'un des vêtements les plus pollués: le jeans. Et quand un top chef soutient une initiative, la passion et l'enthousiasme ne sont jamais très loin. Metro s'est rendu au restaurant trois étoiles Hertog Jan pour une interview exclusive avec le master en personne.

Dans quelle mesure êtes-vous vous-même engagé en faveur de l'environnement?

«Notre entreprise a reçu une distinction en tant qu'entreprise durable. Je ne suis pas un extrémiste, mais je suis convaincu. Je serai bientôt papa pour la quatrième fois et je trouve important que mes enfants puissent mener plus tard une existence digne. Chez moi, cela commence par le respect de la nature. Cela me fait mal au cœur de voir comment on bricole avec la nature. Je projette bien évidemment aussi cette conviction sur ma propre activité. Cela me dérange beaucoup de voir que les gens achètent dans les supermarchés de la nourriture dans des raviers. Ils ne savent plus ce qu'ils mangent, combien de kilomètres les aliments ont parcourus, depuis combien de temps ils se trouvent dans ces raviers. Sans parler du lien avec la nature.»

Quel lien y-a-t-il entre votre cuisine et cette collection de jeans?

«Pour produire un kilo de jeans, des centaines de litres d'eau potable sont utilisés et de nombreuses substances toxiques atterrissent dans notre écosystème. L'industrie du denim prend peu d'initiatives pour changer les choses. Et Luc veut désormais agir dans ce domaine avec Atelier Noterman. Tout comme nous revenons à l'origine du produit en cultivant tout nous-mêmes et en plantant des graines, il commence par l'endroit où les jeans sont fabriqués. La semaine passée, nous sommes allés chez Italdenim à Milan. Nous essayons de cultiver de façon biologique 80 à 90% de nos ingrédients. Pour fabriquer ces jeans, ils vont essayer d'économiser 80 à 90% d'eau.»

Allez-vous désormais ne porter plus que ces pantalons?

«Nous faisons de l'entreprise durable, mais la nourriture que nous servons est aussi délicieuse. C'est un pantalon durable et il me va parfaitement. Sinon je ne le porterais pas! Mais je ne suis pas un extrémiste. Je peux peut-être encore cuisiner 10% plus biologique et plus naturel, mais alors ce ne sera plus très bon. Où allez-vous dans ce cas? Il vaut mieux être nombreux à s'engager à 80%, plutôt que seul à 300%. Cela ne pourra quand même pas durer.»

Mais le jeans est votre vêtement préféré?

«Je ne porte que des jeans. C'est une chouette matière, tant pour des vestes que des chemises et des pantalons. Je trouve que ces pantalons ont un look contemporain et brut. Donnez-moi un jeans avec des trous, un look délavé ou gris clair. J'aime cet esprit usé. Les personnes qui assurent le service sont aussi habillées par Atelier Noterman. Les filles et les garçons en cuisine portent une blouse dessinée par Stephan Schöning. Son design s'inspire d'anciens documents montrant des ouvriers qui travaillaient ici dans les champs au début du 19e siècle. Sur le dos, il y a chaque fois une épice ou un légume brodé. Comme un tatouage.»

Vous portez aussi des accessoires, bracelets et bagues.

«Je trouve ça beau, vous devez aussi un peu apprendre à porter ce genre de chose. Un tatouage peut aussi être très beau. J'envisagerais peut-être aussi d'en porter si je savais que je pourrais les enlever quand j'en ai envie.»

On ne vous voit jamais porter un costume sur mesure?

«Je ne porte jamais de costume sur mesure, je ne m'y sens pas à l'aise. Il n'y a pas de dresscode ici. Les gens doivent porter les vêtements dans lesquels ils se sentent bien. Dans notre ancienne implantation, nous avons accueilli un jour des gens qui venaient manger en short et en crocs. Ce n'est pas la tenue la plus sexy au monde, mais vous ne pouvez pas mettre ces gens à la porte. Et nous avions déjà à l'époque trois étoiles. Quand je vais dans un restaurant étoilé, je porte aussi un jeans. Vous devez pouvoir être vous-même dans tout ce que vous faites. Je trouve que c'est important.»

Vous vous intéressez à la mode?

«Nous la suivons. Je trouve important que ma femme soit bien habillée. J'aime être bien habillé et mes enfants aussi. J'aime les belles choses. Cela s'exprime dans tout. J'apprécie aussi énormément l'architecture et les choses simples et belles. Nous sommes aussi dans un secteur où chaque détail est important. Hertog Jan est a way of life.»

Vous êtes aussi mannequin pour cette collection.

«Je ne me sens pas du tout l'âme d'un mannequin! Je ne me suis pas attardé au fait que je pourrais me retrouver en couverture de magazines. Ils doivent me prendre comme je suis. La chose qui me préoccupe, c'est de vivre sainement. Je fais beaucoup de sport. Je m'entraîne deux fois par semaine avec un coach personnel. Et deux à trois soirs par semaine, je cours d'ici à la maison le soir. Cela fait 13 kilomètres. Et nous faisons attention à notre alimentation, bien entendu. Mes enfants ne mangent que des légumes de la ferme et nous travaillons le plus possible avec des produits naturels.»

Ils aiment ça?

«Ils ont été élevés comme ça. Je ne vais jamais au Quick ou au McDonalds, jamais. Mais mes enfants peuvent y aller. Si leurs amis y organisent une fête, je ne vais pas leur interdire d'y aller. Ce sont des enfants. Mais un bon cornet de frites, je ne dis pas non!»

Vous considérez-vous comme un papa trois étoiles?

«Non, absolument pas. Je trouve qu'en tant que papa je n'en fais pas assez parce que je ne suis pas souvent là pour mes enfants. Je viens de passer deux jours à l'étranger, aujourd'hui je suis un jour en Belgique. Demain, je pars pour deux semaines à Hong Kong. C'est plutôt exceptionnel que je ne sois pas là pendant une semaine, mais généralement je vois mes gamins deux dimanches par mois. Mais ce sont de chouettes dimanches alors.»

Que faites-vous?

«C'est le jour de papa. Ce qu'ils ont envie de faire. Piqueniquer, aller à Plopsaland, rester tout bêtement à la maison à paresser sur le divan, nager, faire un barbecue. Notre fille Myrthe va sur ses 11 ans, Remi a 7 ans et Titus 2 ans et demi. Et un petit quatrième naîtra en août. Je les vois peu, mais je n'ai pas le sentiment que mes enfants manquent de quelque chose. Bien entendu, moi je rate beaucoup de choses en ce qui les concerne, car avant que je ne m'en rende compte, ils seront mariés! Mais je veux avoir tout vécu dans la vie et je suis convaincu que plus tard en tant que papa je peux leur donner un énorme bagage. En voyageant beaucoup et en étant dans le monde des affaires, vous avez un solide bagage. C'est ce que je veux transmettre plus tard à mes enfants.»

Êtes-vous un papa sévère?

«Je ne pense pas que je suis sévère. Je suis plutôt un papa gâteau pour mes enfants parce que je ne les vois que deux fois par mois. Mon épouse, Annelies, est sévère. Quand papa est à la maison, c'est toujours la fête. Il y a quinze jours, nous avons fait ensemble des pizzas. Et s'il y en a un qui met de la tomate partout, je ne vais pas me fâcher. C'est tout simplement du plaisir. Il faut chérir ces moments. Nous nous amusons toujours tellement. Nous sommes aussi confrontés à des situations qui engendrent par la suite des disputes dans l'auto et où un des enfants fait dans sa culotte. Ce n'est pas parce qu'on vous voit à la télé et dans les magazines que tout se passe parfaitement!»

Trois étoiles et bientôt quatre enfants, comment tenez-vous le coup?

«Nous avons deux restaurants, nous sommes responsables de près de 40 collaborateurs. Je voyage beaucoup, je suis aussi consultant et je fais de la télé. Je pense que vous devez avoir de la chance de pouvoir faire tout cela en dormant peu. Vous devez écouter votre corps. Je n'écume pas les soirées, je ne sors jamais, je mange le plus sainement possible, beaucoup de légumes, de poisson, peu de viande grasse. Mais le dimanche je dors jusque 9 h. C'est une vraie grasse matinée! Je m'autorise alors aussi à préparer au barbecue une bonne entrecôte grasse avec une bonne bouteille de vin. Mais pendant la semaine je n'exagère jamais.»

 

par Arne Rombouts