Florence Cestac et Daniel Pennac racontent "Un amour exemplaire"

par
Nicolas
Temps de lecture 2 min.

Florence Cestac et Daniel Pennac ont l'habitude de déjeuner dans un bistro parisien. Un jour, l'écrivain raconte à la dessinatrice une histoire faite de souvenirs d'enfance et de personnages, comme on en croise peu dans une vie. «Un amour exemplaire» est celui de Germaine et Jean, couple réuni par l'amour et se moquant des conventions.

En quoi cet amour est-il exemplaire ?

Florence Cestac: «Il est rare de rencontrer des gens qui ne vivent que pour ça. Leur plaisir c'était d'être ensemble, tous les deux, et surtout pas d'enfant, parce qu'il ne leur fallait pas d'intermédiaire. Pas de travail non plus, parce que c'est un tue-l'amour. Ces gens qui ont existé vraiment ont calculé leur vie pour acheter une petite maison dans le sud de la France et vivre tranquille jusqu'à leur mort.»

Il y a aussi cet amour de la littérature et des livres entre Germaine et Jean…

«Jeune, Daniel Pennac a appris la littérature chez eux. Et l'anecdote est vraie. Les livres de prix qui intéressaient les collectionneurs se trouvaient en haut. Au sous-sol, c'était les livres de poche que l'on pouvait lire. Daniel leur faisait d'ailleurs souvent la lecture.»

Avez-vous l'impression que cette histoire pourrait encore se vivre aujourd'hui ?

«C'est difficile de réussir une vie comme cela jusqu'au bout. Ce genre d'histoire ne pourrait plus exister aujourd'hui. Ces gens étaient complètement en dehors du temps, de la réalité et du monde.»

Ph. Dennis Wile

Cette histoire est-elle née comme elle s'écrit, autour d'une bonne table ?

«Tout à fait. J'ai toujours dit à Daniel que j'aimerais faire un album de bande dessinée avec lui. Un jour, il m'appelle: ‘Une histoire d'amour ça t'irait?' J'ai dit oui. On s'est retrouvé dans notre brasserie habituelle. Et pendant qu'il me la racontait, je mettais en case. Daniel a été prof, il sait raconter les choses et, comme il fait aussi du théâtre, s'amuse à les mimer.»

A-t-il veillé à ce que votre dessin soit le plus fidèle à la réalité ?

«Oui, par exemple pour l'histoire du nez de Jean. Il me dit qu'il avait un nez en quart de brie. Or, moi je ne dessine que des nez ronds. Mais il m'a convaincu.»

Vous alternez les albums que vous écrivez seule et les collaborations avec des scénaristes. La peur de s'ennuyer ?

«Ce que j'aime bien quand je travaille avec des scénaristes, c'est qu'il n'y en a pas deux qui travaillent pareil. Avec Tonino Benacquista, tout est écrit, carré et dans les rails. Avec Jean Teulé, c'est plus libre. Mais avec Daniel, on innovait à chaque fois qu'on se rencontrait. C'était un vrai bonheur d'être la première à recevoir cette histoire. J'avais mon Pennac pour moi toute seule! Les albums que je fais seule sont plus revendicatifs. Mais je prends plaisir à travailler avec d'autres de peur de raconter toujours la même chose. C'est très excitant de se mettre dans les pas de l'autre.»

En quelques lignes

Jean, marquis déshérité, et Germaine, jeune couturière, tombent amoureux durant l'entre-deux-guerres. Jusqu'à leur mort en 1971, ils vivront d'amour et de littérature, à l'égard des convenances, dans une sorte de sobre eden, un écrin de vie qu'ils s'étaient construit comme pour se protéger du monde qui avait failli les séparer et du mouvementé 20e siècle. Daniel Pennac partage avec passion cette histoire (extra)ordinaire avec la tendresse qu'on lui connaît et Florence Cestac met son trait humoristique à son service. C'est doux, simple, un poil nostalgique et ça fait du bien !

«Un amour exemplaire», de Daniel Pennac et Florence Cestac, éditions Dargaud, 64 pages, 14,99€ ***

Nicolas Naizy

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