Sur les planches cette semaine - 11 mars 2015

par
Nicolas
Temps de lecture 2 min.

Metro jette un regard critique sur les spectacles à voir dans nos théâtres.

Ha Tahfénéwai!

Des heures d'observation passées dans deux établissements psychiatriques, Sophie Warnant et Romain Vaillant ont ramené un objet scénique tout à fait particulier pour questionner le monde de la folie et de son traitement. Elle arrive le corps replié sur lui même, la mâchoire tombante et fixe, et elle nous regarde. Lui s'avère tantôt à l'aise devant un piano tantôt pris d'un tic mimétique copiant les mouvements erratiques de sa comparse de scène.

"Ha Tahfénéwai!" impose à nos regards une réalité que l'on préfère ignorer dans nos douillets quotidiens. Militant dans ses interventions parlées, le spectacle met en cause la psychiatrie telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, celle qui écarte de nos vues et de nos voisinages des êtres différents certes, mais épris de liberté. L'exercice est audacieux sur ce plateau sobre et dépouillé. Face à ce jeu concentré sur le corps et sur l'expression, le public parfois mal à l'aise laissera échapper un rire de décompression face aux situations mimées et aux adresses que la comédienne lui envoie. Une découverte lourde de sens et de sensations.

1815, la dernière bataille

Grand amateur des parodies historiques (Rome dans "L'Oracle de Delphes", la Révolution française dans "Nuit torride à l'Hospice"), Patrick Chaboud ne pouvait laisser passer le bicentenaire de la bataille de Waterloo. La dernière création de son Magic Land Théâtre nous emmène dans les pâtures embrumées brabançonnes. À la veille d'une bataille décisive pour l'Europe, l'Empereur n'a pas le goût à guerroyer, au grand dam des Cambronne et autre maréchal Ney. Le retour de Joséphine, morte voici un an, lui mettrait du baume au cœur. Le maître des lieux et auteur de "1815, la dernière bataille" se permet donc de prendre une liberté avec l'Histoire pour la voir débarquer dans la tente de Bonaparte. Rapidement, la dynamique Beauharnais reprendra les rênes de la guerre, alors que sur le champ de bataille, les soldats attendent différemment le grand moment.

Le Magic Land a cela de rassurant de conserver ses recettes, qui gagnent à voir le remplissage de la salle. Quiproquos, jeux de mots et mimiques se succèdent dans un double décor immergeant. Stéphane Stubbé confère une certaine prestance à l'Empereur maniaque. Un coup de déprime? Il s'empresse d'appeler sa fidèle Teresa (Bénédicte Philippon), servante corse obligée d'entamer "Ocatarinetabella tchi tchi", créant un amusant gimmick. Habituée des créations des lieux, Christel Delbrouck fournit une belle prestation d'une Joséphine cocasse. Mais c'est un joli travail d'équipe avant tout qui ressort de ce spectacle drôle, parmi les meilleurs que le Magic Land ait pu nous fournir ces dernières années.

Nicolas Naizy

Crédits: Dominique Houcmant Goldo / Philippe Drecq-Espargelière