Florence Foresti: "Je me suis réconciliée avec le fait de vieillir"

par
Marie
Temps de lecture 5 min.

Dites «Madame Foresti»! L'humoriste française a passé difficilement le cap des 40 ans. Elle nous le fait comprendre dans son nouveau spectacle, où elle n'attend plus désormais que « la ménopause» et «le cancer». Cinq ans après «Mother Fucker», où elle abordait la maternité, Foresti revient en Belgique pour parler d'éducation et n'hésite pas à affirmer son féminisme, flinguant les Miley Cyrus et autres Beyoncé. Rencontre avec une grande dame du rire.

A quel point la scène vous manquait-elle ?

«J'ai toujours un peu peur de retourner sur scène. Ce sont les producteurs qui me forcent. Je suis très bien chez moi à ne rien faire. Mais au bout d'un moment, je deviens assez pénible pour mon entourage. Deux ans, c'est le maximum avant que je remonte sur scène, après je tourne en rond.»

C'est votre sixième spectacle, êtes-vous de moins en moins angoissée quand vous montez sur scène?

«Non, je suis pareille qu'avant. Mais ce n'est pas du trac de jeune première, c'est la crainte de ne pas être à la hauteur de l'attente des gens. La seule angoisse qui perdure avec les années c'est: ‘pourvu que je les fasse rire'. On remet son titre en jeu à chaque fois.»

Avez-vous peur de la critique?

«Oui mais non, c'est bizarre.»

Vous vous foutez d'une mauvaise critique?

«C'est impossible qu'on écrive une mauvaise critique sur moi (rires). Non, mais je me protège, je ne les lis plus. Je souffre trop si je les lis, j'ai envie de leur casser la gueule. Parce que mon métier est trop dur. Je n'ai pas besoin qu'on me critique parce que je sais si je suis mauvaise. Pour moi, ça ne sert à rien d'être dans la condamnation, mais bon, c'est mon avis, je suis un peu folle. »

« Madame Foresti » est de nouveau un spectacle très physique, comment vous préparez-vous?

«Très physique, je suis d'accord! (rires) Je ne me prépare pas, c'est bien là le problème, c'est pour ça que je suis sur les rotules. J'essaie de dormir beaucoup, le sommeil, il n'y a rien de tel!»

Vous souvenez-vous de la première fois où l'on vous a appelé ‘Madame' ?

« En tous cas, c'était bien avant que je sois prête à le recevoir. Et puis, ces ados qui vous vouvoie, c'est terrible. Mais j'ai dépassé ça, notamment grâce à ce spectacle. Il a réussi à me réconcilier avec le fait de vieillir et de ne plus être une ‘Mademoiselle'. Maintenant, je veux qu'on m'appelle Madame, je trouve ça chic et classe. J'ai écrit ce spectacle à 39 ans quand j'étais déprimée à l'idée de passer le cap. Je me demandais ce qu'il me restait à vivre. J'avais envie de revivre des aventures de jeunes, de connaître des ruptures, etc., et je me suis dit : ‘c'est fini tout ça'. C'est là qu'est née l'idée du spectacle. »

Vous dites dans votre spectacle qu'à 40 ans, «le seul sens de la vie, c'est le sens de la sortie», et que «la prochaine aventure, c'est le cancer». Peut-on tout désamorcer avec le rire?

«L'humour peut tout désamorcer mais chez certaines personnes. Personnellement, s'il n'y a pas d'humour dans ma vie, je décède. En Belgique, vous avez une culture de l'humour trash, je me rappelle de ce que j'avais fait dans le film ‘Dikkenek', il y a une culture qui n'a rien à voir avec la France. Chez nous, c'est plus consensuel. Ici, vous n'avez pas peur du glauque. On est si proches et si loin mais en même temps, on arrive à rire tous ensemble.»

Apparemment, vous n'aimez pas beaucoup les nouvelles technologies...

«Je ne suis pas réfractaire mais Twitter, c'est le nivellement par le bas. Plus c'est court et immédiat, moins il y a de réflexion. Mais je suis accro aussi, c'est tout le paradoxe de notre époque. Il ne faut pas tenter l'humain, le tirez vers le bas. Je pense qu'il faut toujours un peu l'élever. L'humain a tendance à adorer la merde et moi la première. »

Vous vous êtes mise au yoga...

«Bien sur, Namaste, j'adore!»

Et vous mangez bio.

«Oui, tant que faire se peut. Je suis vraiment un cliché de quadra. Par contre, je fume toujours et je bois toujours.»

Dans quelle mesure votre spectacle est-il autobiographique?

«Le fond est toujours en accord total avec ma pensée. Je ne joue que des textes que j'écris. Je ne joue pas un personnage.»

Vous faites quand même une imitation d'Arletty, pourquoi elle?

«J'avais envie de faire parler une dame de cette trempe et de cette époque sur notre époque. Si elle revenait, elle nous engueulerait. Et puis, j'adore cette femme, sa manière de parler, son chic et son avant-gardisme. »

C'est un spectacle beaucoup plus féministe que les autres…

«Tout ce que j'ai fait l'a été. Mais, là, c'est davantage du premier degré. J'aime bien exprimer les choses de manière plus déguisée mais ici, je n'ai pas réussi, ça bouillonait trop. »

Dans le spectacle, vous lancez un appel aux filles pour qu'elles se fassent davantage respecter.

«Oui, parce que je trouve que dans la jeune génération, les filles se laissent appeler ‘connasses', elles s'auto-traitent de blondes. Je ne supporte pas quand les femmes se dévalorisent pour pouvoir être acceptées quelque part. Je leur demande de retrouver un peu d'estime. Les hommes, eux, ont vachement changé, ils ne sont plus aussi sexistes ou machos. Mais maintenant, ce sont les femmes qui jouent à ce jeu-là!»

Auriez-vous aimé être un homme ?

« Oh non, trop dur ! On en attend trop d'eux... Bon en fait, si, j'aurais bien aimé, je trouve souvent qu'ils ont la vie plus facile que nous. Mais en vrai, en ce moment, pas tellement. Avant oui, c'étaient les rois du monde, ils n'avaient qu'à bosser, tromper leur femme et fumer des clopes. Maintenant, c'est plus chaud pour eux. »

Regardez-vous vos spectacles quand ils passent à la télé ?

« Non, je déteste. Ah si, l'année passée, j'ai regardé un petit bout de mon premier spectacle mais juste parce que j'étais épatée par la jeunesse de cet enfant ! (rires) Dix ans, c'est assez de recul pour me regarder. »

 

Florence Foresti sera ce soir et demain à Forest National (quelques places encore disponibles) et reviendra pour trois dates supplémentaires en Belgique les 22 et 23 mai et le 9 octobre. (tickets : c-live.be)

Ph. Frédéric Sablon.