Filmer la fin de vie

par
Laura
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Dans «Vivre sa mort», Manu Bonmariage suit deux personnes en fin de vie. Au plus près de ses personnages, le réalisateur et co-créateur de Strip-Tease capte des moments uniques et hautement intimes, mais avec le respect des sujets comme toujours.

«Je n'aurais sans doute jamais osé si Philippe ne me l'avait pas demandé», nous confie Manu Bonmariage en expliquant la genèse de son nouveau film. C'est en effet l'un de ses parents éloignés, Philippe, qui lui demandera de l'accompagner de sa caméra pendant les derniers mois de sa vie. Un vilain cancer ne le lâche pas et il souhaite témoigner de la fin de son existence en soins palliatifs. Le réalisateur accepte à condition de trouver un autre témoin. Avec l'aide du prêtre libre-penseur Gabriel Ringlet, il rencontre Manu, un chirurgien en phase terminale, qui a fait le choix de l'euthanasie. Ce dernier accepte aussi de se faire accompagner jusqu'à la mort.

La caméra suit le quotidien de ces deux hommes dans leur famille et leur parcours médical. Le réalisateur ne s'est pas fait assister d'un ingénieur du son pour rester le plus discret possible. Aucun commentaire extérieur ne vient guider le regard du spectateur, comme c'est l'habitude dans le cinéma de Bonmariage. «Je n'étais pas là pour expliquer comment soigner mais pour raconter comment vivre sa mort.» Privilégiant le spontané et évitant de trop préparer en amont ce qui sera filmé, Manu Bonmariage se sert de ce postulat comme fil rouge. «Je pense qu'être filmé les a aidés à affronter cette fin de vie. Manu me parlait toujours de sa nouvelle vie. Philippe essaye, lui, de se raccrocher. Ils ne sont pas au même stade mais tentent de questionner cette matière qui semble ne plus vouloir être ce qu'elle devrait être. C'est le parcours de l'homme qui se sent dépossédé de son corps. »

De ces deux cheminements, on retient évidemment aussi les différences, l'un et l'autre prenant deux voies pour mourir. L'une confronte les questions d'un patient face à l'opposition d'un corps médical à l'euthanasie. L'autre retrace l'acceptation du choix du malade par sa famille. Des moments forts qui, quand il y repense, émeuvent encore fortement Manu Bonmariage, conscient d'avoir assisté à des instants rares. «Je ne veux pas tricher. Le spectateur n'est pas pris à témoin mais il est entraîné. C'est ce que j'aime dans ce que j'appelle le ‘cinéma-direct', que les gens soient acteurs de leur vie.» Et le résultat est là: aucun commentaire, l'image brute, les paroles, les silences «très importants, les silences». On ressort bouleversé de la vision de ce film, mais sans aucun doute sur le respect du réalisateur pour ses témoins. Manu Bonmariage filme le parcours personnel sans l'interroger, sans imposer une démonstration. Mais il est clair que sa démarche suscitera le débat tant sur l'opportunité de partager «jusqu'au bout» une telle intimité que sur le choix de mourir dans la dignité.

«Vivre sa mort» sera présenté en avant-première ce samedi 28 février à 20 h à Bozar. Le film sortira ensuite le 4mars à Liège. Des projections en présence du réalisateur sont notamment programmées le 5mars à Ath, le 12 à Hotton, le 13 à Namur, le 27 à Stavelot et le 30 à Mons. Retrouvez toutes les dates en ligne. www.eredoc.be

Par ailleurs, Cinematek propose une rétrospective des films de Manu Bonmariage du 3 mars au 21 mai. www.cinematek.be

Enfin, le cinéma Galeries à Bruxelles organise une soirée spéciale Strip-Tease le 21 mars avec les meilleurs reportages du réalisateur. www.galeries.be