Coiffeur pour vaches, un métier incontournable du Salon de l'agriculture

par
Laura
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A la fois coiffeur pour vaches et metteur en scène, le clipper officie au pied du ring avec ses brosses, tondeuses, sèche-cheveux, de la cire et de l'huile pour mettre en valeur les qualités esthétiques et surtout productives des animaux de concours. Lundi, c'est au tour des vaches laitières Prim Holstein de parader au concours général du Salon de l'Agriculture à Paris et les 115 concurrentes sont préparées depuis la veille. «On commence par un bon shampoing qui facilite la tonte», indique Olivier Vallès dont la vache, Hirondelle, est passée dimanche à la toilette.

Pour le concours, cet éleveur du Tarn a fait appel à deux pro du clippage: «Moi je sais tondre, mais avec eux, c'est la même différence qu'entre un peintre en bâtiment et Picasso». Devant lui, Picasso, donc, s'affaire. La tonte du corps est terminée, tête et membres compris. Il passe à la mamelle dont il écarte les plis avec précaution, rasant de près la peau rose et fine.

Bruno Toussaint, originaire de Belgique, s'est formé avec un Suisse à cet art importé des Etats-Unis. «J'ai tondu ma première vache en 1998, mais c'est en observant les autres qu'on s'améliore», dit-il en s'affairant. «Actuellement, la mode est aux vaches tondues ras. Mais il faut que ça fasse naturel, sans trou». Ils sont deux, avec son ami et compatriote Pierre Creppe, autour d'Hirondelle. Un job «assez physique», reconnaît-il. «Sur un salon comme celui-ci, on reste 15, 16 heures debout». Clipper (de tondeuse, en anglais), ce n'est pas son métier principal - il est spécialiste de l'insémination - mais un hobby qu'il pratique en suivant les grands concours agricoles, jusqu'en Italie ou au Canada. Sur le Salon, tout le monde le connaît et il aime ces retrouvailles : «J'aime les vaches, mais j'aime aussi l'après-vache».

Brushing et sabots vernis 

Il éclate de rire à son bon mot qui figure une troisième mi-temps joyeuse dans les stalles. La race Prim Holstein, avec sa silhouette efflanquée, ses hanches étroites et ses fesses pointues, est celle par qui le clippage est arrivé en France. Issue du nord de l'Europe, elle a fait un tour par l'Amérique du Nord pour revenir dans les années 70 avec des capacités décuplées. On parle même d'«usine à lait», capable de fournir 12.000 litres de lait par an - la meilleure du Salon fait 18.000 - contre une moyenne de 7.000 pour les autres races.

«Mais ce terme, vraiment c'est pas gentil», s'offusque Adrien Feau, technicien de l'association des Prim Holstein de France. Une belle vache, explique-t-il avec douceur, ce sont d'abord ses qualités productives: «L'écartement des pattes, la forme de la mamelle, son accroche. Et puis sa féminité, son port de tête, sa finesse, son profil». Et toutes les qualités fonctionnelles en élevage, facile à conduire et à traire.

Ce qui pêche souvent chez la «Prim», c'est la ligne de dos. Pascaline Mao, lauréate 2014 du concours de clippage de l'école des jeunes éleveurs, à Ploërmel, dans le Morbihan, l'a emporté avec une vache dont le dos plongeait vers l'avant: «J'ai rectifié à la tonte, en augmentant progressivement la taille du poil». La finition, comme un brushing, s'effectue à la brosse et au sèche-cheveux, avec une petite retouche de noir pour camoufler les taches éventuelles et accentuer l'effet optique de rectitude.

Son ami Arthur Blevec, 24 ans, promo 2013, souligne aussi l'importance de l'alimentation le jour J: «Elles doivent arriver la panse pleine, bien gonflée, comme la mamelle». Quand elle va défiler, sa vache, Extra Or, aura 25 heures de lait en stock. Hirondelle passe aux finitions avant le ring: une dernière douche, un petit spray d'huile pour lustrer la robe et des sabots vernis. Celles qui perdent leur lait ont un point de colle sur le pis pour éviter les fuites. 70 euros environ le clippage complet. «C'est comme les Miss des concours de beauté, elles défilent pas sur le podium au saut du lit», remarque Olivier Vallès.