Marc Levy: Son retour à la comédie

par
Laura
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Mercredi passé, Marc Levy présentait officiellement son nouveau roman à Paris. L'occasion d'aller à la rencontre de cet écrivain aux 16 livres traduits en 49 langues. «Elle et lui» marque son grand retour à la comédie.

Pourquoi revenir au bout de tant d'années avec les personnages d'‘Et si c'était vrai'?

«Le désir, et uniquement le désir. Par folie douce. Pour tout vous dire, l'envie première était d'écrire une comédie. L'art de la comédie est de raconter des tas de trucs sans se prendre au sérieux. J'avais envie d'une bouffée d'oxygène. Après, une histoire naît de plein de détails. Il s'avère qu'une année, j'ai vécu une situation assez proche de celle que vit Paul dans mon roman lors d'une interview à l'étranger. Puis, j'apprends qu'une amie comédienne se sent tellement seule à un moment donné de sa vie qu'elle décide de s'inscrire sur un site de rencontre sous un faux nom. Et là, j'imagine le décalage dans l'ego d'un homme qui va dîner pour la première fois avec une femme, qui se met en avant mais ne sait pas qu'il a en face de lui une immense star. On est dans cet humour à la Peter Sellers que j'adore. Enfin pour répondre à la question, les personnages de roman rentrent dans votre vie comme de vrais amis. Et Arthur, Paul et Lauren, j'avais vraiment envie de les retrouver. Je me suis retrouvé dans la peau d'un réalisateur qui se dit: ‘C'est génial, je vais pouvoir rebosser avec eux!'»

Vous écrivez dans votre livre à travers Paul: «Deux-trois détails suffisent à planter le décor, l'ambiance à la rigueur, mais après le lecteur s'ennuie». C'est un exercice que vous utilisez dans vos propres romans?

«Oui, et j'ai été le premier à commettre l'erreur. Je sais que dans mes premiers romans, je faisais des descriptions beaucoup trop longues où finalement, on ne se fait plaisir qu'à soi-même. En même temps, c'est très bien, ça fait partie de l'apprentissage du métier. Mais le travail de son métier, c'est de se demander si on peut dire la même chose en deux mots.»

Quand on lit votre roman, on remarque que le personnage de Paul vous ressemble beaucoup: c'est un ancien architecte devenu écrivain.

«Bien entendu, mais pas seulement dans le personnage de Paul. Il y a beaucoup de moi dans le personnage de Mia, même si elle est plus jolie (rires). Il y a beaucoup de moi dans le personnage de Daisy mais aussi dans celui du caricaturiste. Je crois qu'un romancier livre une part de lui dans chacun de ses personnages. Ou plutôt dans les relations entre les personnages. Ce qui m'appartient le plus dans le roman, c'est ce que vous pouvez lire dans la relation entre Paul et Mia, entre Mia et Daisy, dans les silences du caricaturiste, ou même dans la relation entre Paul et son éditeur. Chaque relation délivre une facette, un angle des personnages. La profondeur du roman réside dans toutes ces interactions.»

Paul dit qu'il est «impossible pour un écrivain de juger une traduction d'une langue qu'il ne connaît pas». Avez-vous déjà eu peur que vos livres soient mal traduits?

«Évidemment. Bon, cela ne m'empêche pas de dormir mais c'est quelque chose que je redoute. Je me rappelle que quand mon premier roman a été publié, j'ai reçu les traductions en anglais. J'ai commencé à comparer la page de gauche avec la page de droite. À ce moment-là, le facteur m'a apporté mon livre en chinois. Et là, je me suis dit ‘Hop, allez, on va faire la cuisine' (rires, en faisant mine de refermer des livres)! Ça ne sert à rien. Mais il est vrai qu'il n'y a rien de plus dur à traduire qu'une plaisanterie. Chaque langue a ses codes, ses moments d'humour. Les drames sont plus faciles à traduire.»

Mia demande à Paul d'écrire une histoire qui se termine bien. Il lui répond: «au risque de paraître fleur bleue».

«C'est marrant cette façon qu'ont les gens à vous mettre dans les cases. J'ai écrit mon premier roman ‘Et si c'était vrai' qui est une comédie fleur bleue. Mon deuxième roman ‘Où es-tu?' commence par un ouragan au Honduras qui fait 17.000 morts dans la nuit, ne parle que d'humanitaire, de la misère humaine, de la pauvreté de ce pays. Pourtant, on a continué à me dire que j'étais fleur bleue.»

Il y a, dans votre roman, une bonne analyse des profils que l'on retrouve sur le net. Vous êtes-vous déjà inscrit sur un site de rencontre?

«J'ai créé le profil de Mia. Puis, j'ai arrêté quand je me suis fait draguer (rires). Ce qui m'intéressait, c'était de capter la langue, les codes. J'ai reçu quelques messages dont certains m'ont fait hurler de rire. Gaspacho 2000, c'est vrai par exemple. Et là je me suis dit qu'il y en avait qui allait loin.»

Il y a tout un passage sur la Corée du Nord. Pourquoi?

«Comme vous l'avez remarqué, Mia en a marre des histoires qui finissent mal. Là, je cherche à faire dire à mes personnages que le divertissement, la comédie font partie du paysage culturel. Mais en même temps, il n'y a pas que ça. J'ai donc confronté Paul à la réalité, à des choses sérieuses très importantes. Cela le fait douter de l'importance de son travail. La culture, ce sont les deux. Puis, j'ai pris de la bouteille. Il faut prendre des risques et ici, c'est de raconter une histoire qui, à un moment donné, peut ouvrir une fenêtre sur, changer un regard sur.»

En quelques lignes

Elle est une grande actrice. Lui est un écrivain, anciennement architecte. Elle vient quelque temps à Paris pour fuir son mari. Lui vit à Paris depuis quelques années. Un site de rencontres les a réunis… Ou était-ce plutôt une blague des amis de Paul: Arthur et Lauren? Dans ‘Elle et lui', on retrouve les personnages de ‘Et si c'était vrai'. Une manière pour Marc Levy de renouer avec la comédie d'un côté et les histoires d'amour de l'autre. Mais pourtant, ne dites pas à l'auteur que son roman est une comédie romantique! Marc Lévy avait surtout envie de rire et de faire rire. Dans tous les cas, c'est une belle histoire que nous livre l'auteur, légère et pas prise de tête. Et de temps en temps, cela ne peut faire que du bien!(mh)

«Elle et lui», de Marc Levy, éditions Robert Laffont, 418 pages, 21,50€