Premier kit contre l'excision

par
Laura
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Selon l'Organisation mondiale de la Santé, près de 130 millions de femmes et de fillettes sont victimes de mutilations génitales dans le monde et trois millions de filles risquent chaque année de devenir les proies de ces pratiques préjudiciables. En Belgique, la dernière étude du SPF Santé Publique (2012) estime que ce phénomène a potentiellement touché 13.000 femmes alors que plus de 4.000 sont considérées «à risque». Pour endiguer ces violations clandestines des droits humains, seule la sensibilisation s'avère efficace. Dernière arme de l'arsenal préventif: un kit national à destination des professionnels sociaux, juridiques et médicaux.

« La gynécologue que je voyais quand j'étais enceinte de ma fille ne m'avait rien dit. J'ai même accouché trois fois par césarienne. Je ne connaissais pas (l'excision), je pensais que toutes les femmes étaient comme ça. Ça a été un choc pour moi quand j'ai compris ce que c'était. C'est dur de réaliser qu'on est différente des femmes Européennes, qu'il nous manque quelque chose.» C'est par le témoignage poignant de Fos Mahamed Nur, désormais relais communautaire du Groupe pour l'abolition des Mutilations Sexuelles Féminines (GAMS) en Somalie, que l'Institut pour l'égalité des hommes et femmes a voulu marquer au fer rouge la journée internationale de lutte contre les mutilations génitales féminines ce 6 février.

Excisée depuis ses 6 ans et forcée à marier un homme qui pourrait être son père, cette femme a fui la guerre civile qui divisait son pays d'origine et a atterri en Belgique. Pour éviter le même calvaire à sa fille, elle demande l'asile et obtient la nationalité belge… trois ans plus tard. Si elle a dû prouver à maintes reprises que sa fille était intacte, les demandes d'attestations des pouvoirs publics ont cessé le jour où elle a reçu le précieux sésame. Une situation inquiétante démontrant que toute personne mal intentionnée pourrait faire exciser ses enfants, une fois la nationalité belge dans le portefeuille.

Des outils concrets

Le GAMS, l'asbl INTACT, en charge des questions juridiques liées aux mutilations génitales féminines (MGF), et l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes se sont réunies hier pour présenter le premier kit national de prévention des MGF «à destination des professionnels belges qui sont désarçonnés face au phénomène» comme nous l'a indiqué la directrice du GAMS, Fabienne Richard. Le kit contient plusieurs outils dont un «guide d'entretien» qui donne des moyens d'approche des familles, un guide qui détecte les signes de risque, un modèle d'engagement sur l'honneur à ne pas faire exciser son enfant, un modèle de certificat médical qui peut être rédigé après examen, avant un départ et au retour de vacances chez la famille ou encore un passeport

«STOP MGF» qui présente les textes de loi en vigueur en Belgique en différentes langues à présenter à la famille d'origine dans un but dissuasif. Alors que les pays d'origine des groupes culturels les plus sensibles en Belgique sont la Guinée, la Somalie et l'Égypte, les efforts sur notre territoire doivent se concentrer sur la région de Bruxelles-Capitale ainsi que les provinces d'Anvers et de Liège, principales concernées par la problématique selon le GAMS. Si plus de 1.500 kits en français ont été distribués en 2014, 4.000 supplémentaires seront fournis dans les deux des trois langues nationales cette année, a spécifié Mme Richard.

La législation peu efficace

La convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence intrafamiliale du 11 mai 2011 est le principal instrument juridique contraignant pour protéger les victimes de ces violences et en punir les auteurs. En Belgique, l'article 409 du code pénal sanctionne ce type de pratique qui constitue une violation flagrante des droits fondamentaux, notamment du droit des femmes à disposer de leurs corps. «Quiconque aura tenté ou favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d'une personne de sexe féminin avec ou sans son consentement» est punissable d'une peine d'emprisonnement de trois à cinq ans. Bien qu'il soit en vigueur depuis 2001, cet article n'a pour l'instant mené à aucune condamnation. Une preuve des limites de l'arsenal répressif.

Quelles solutions?

Pour endiguer ce fléau, ces associations défendent une politique concertée, multidisciplinaire et interministérielle. Elles plaident pour «un meltingpot» à la belge, un coup d'œil sur les pays limitrophes pour constituer une stratégie efficace. D'un point de vue médical et parallèlement à la formation des professionnels, elles préconisent de prendre exemple sur les Pays-Bas où un dossier unique informatisé transite entre les différents établissements scolaires. En Belgique, les informations sont encore trop souvent bloquées par la lenteur administrative et une communication bancale entre les différents réseaux et niveaux d'enseignements.

Sur le plan juridique, elles encensent les moyens coercitifs français. Dès qu'un cas d'excision est attesté dans l'Hexagone, les médecins ont l'obligation de les déclarer alors qu'en Belgique, cette pratique est encore trop souvent ‘protégée' par le secret professionnel. Nos médecins ne doivent déclarer les cas que si un danger vital persiste pour l'enfant ou ses frères et sœurs éventuels. Si un enfant a bien cicatrisé et présente une bonne santé, aucune alarme ne sera sonnée. Enfin, les associations déplorent le manque de moyens pour pérenniser leurs projets et réclament un financement structurel, plus adapté à leurs besoins. Certains employés en charge de l'étude n'ont, par exemple, toujours pas de garantie d'être reconduits, l'été fini.