Lutte contre le terrorisme : qu'est ce que le PNR ?

par
Camille
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Bernard Cazeuneuve, le ministre français de l'Intérieur, était hier au parlement européen. Son objectif : convaincre les eurodéputés d'accepter la création d'un PNR, (Personal name record, un registre des données des passagers aériens). Jan Jambon, son homologue belge, s'était exprimé dans le même sens vendredi dernier à l'issu d'un conseil des ministres européens à Riga. Mais la création d'un tel fichier crispe les eurodéputés. Ils redoutent une remise en cause des libertés fondamentales des citoyens Européens.

1- Qu'est-ce que le PNR ?

La création d'un « registre passagers » (PNR) est bloquée par le Parlement européen depuis 2011. Un tel dispositif doit permettre de « repérer des voyageurs suspects ». Concrètement, il s'agit de conserver les données nécessaires à l'achat d'un vol : adresse et numéro de passeport, mais aussi numéro de carte de crédit et même régime alimentaire. Ces derniers aspects, notamment, ont amené les eurodéputés à refuser le PNR. Rien n'empêche un Etat de mettre en place un tel dispositif au niveau national, mais il faut l'accord du Parlement pour le faire au niveau des 28.

2- Pourquoi en reparle-t-on ?

Après des années de discussions, le PNR était quelque peu tombé dans l'oubli. Mais l'attaque de Charlie Hebdo le 7 janvier, puis le démentellement d'une cellule jihadiste en Belgique le 15 janvier, ont changé la donne. Plusieurs Etats européens ont demandé l'établissement rapide d'un PNR. Didier Reynders, le ministre des Affaires étrangères, qualifie sa mise en place d' « essentielle ». « J'espère que le Parlement va changer d'attitude en la matière et autoriser le PNR », a-t-il souligné après concertation avec ses homologues européens. Il note néanmoins qu'il faudra parvenir à « un équilibre entre protection de la vie privée et sécurité ».

3- La position du Parlement européen a-t-elle changé ?

Le sujet est délicat, mais des élus de plusieurs groupes politiques ont à nouveau marqué leur opposition au PNR. La libéral néerlandaise Sophie in ‘t Veld rappelle que « chaque loi doit passer le test de la légalité et de la constitutionalité ». Les eurodéputés rappellent notamment que la Cour de Justice européenne s'oppose à la collecte massive de données de manière indistincte. « Certains pays veulent profiter de l'émotion qui a suivi l'attaque de Charlie hebdo pour imposer le PNR », déplore l'écologiste française Eva Joly. Pourtant, le rapporteur du dossier pourrait soumettre sa proposition au vote d'ici quelques semaines, avec l'espoir que certains élus aient revu leur position.

4- Que proposent les opposants au PNR ?

« Nous ne sommes pas contre la surveillance de certaines personnes, mais contre la surveillance généralisée », clarifie Eva Joly. Son collègue Jan-Philip Albrecht, vice-président de la commission Libe, plaide plutôt pour une meilleure collaboration entre les services des différents Etats membres. « Instaurer un PNR coutera au minimum 500 millions €. C'est un montant important, alors que les équipes d'Europol ou Eurojust manquent de moyen pour travailler ensemble », déplore-t-il. « La coopération européenne au niveau policier est pourtant un moyen concret et efficace pour lutter contre le terrorisme. »

Pour en savoir plus

« Le PNR n'aurait pas évité les dernières attaques »

Les autorités aurait-elles pu éviter l'attaque contre Charlie Hebdo avec l'aide du PNR ? « Non », affirme sans hésitation l'eurodéputé écologiste Judith Sargentini. « Les tueurs était connus des services de renseignement, et ça n'a pas suffi à les arrêter. Idem avec l'assassin du réalisateur Theo Van Gogh à Amsterdam en 2004. Ou pour l'auteur de l'attentat manqué sur le vol Amsterdam-Detroit en 2009. Je ne vois donc pas comment le PNR pourrait être un plus: il ne sert qu'à surveiller des gens qui n'ont rien à se reprocher, alors qu'on passe à côté des personnes dangereuses. Et il ne faut pas croire qu'il suffit de contrôler les passagers aériens pour éviter toute menace. Souvenez-vous du tueur du musée juif de Bruxelles : il a quitté la Belgique en bus. » Enfin, elle souligne que les Etats membres pourraient améliorer un certain nombre de choses avant de penser à un PNR. Dans un demi-sourire, elle rappelle les conséquences du manque de coopération au sein même des Etats. « L'un des hommes recherchés après le démentellemnet de la cellule de Verviers était simplement chez lui, avec un bracelet de surveillance électronique ! » Ce manque de coopération entre service d'un même pays l'amène à dire qu'il existe des solutions « beaucoup plus efficaces que le PNR ».