Au Royaume-Uni, les Pakistanais défient la loi antipolygamie

par
ThomasW
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Au Royaume-Uni, la polygamie est interdite. Au Pakistan, un homme peut prendre jusqu'à quatre épouses. Et certains Pakistano-Britanniques profitent de ces largesses pour se remarier lors d'un bref retour au pays, abandonnant ensuite des femmes éplorées. Et parfois même des enfants qui naîtront sans jamais connaître leur père reparti dans les terres de l'ancien colonisateur.

Cette trame sociale est au coeur d'une enquête de la police à Mirpur, ville de la partie du Cachemire administrée par le Pakistan, d'où vient une grande partie de la diaspora pakistanaise qui compte plus d'un million de membres au Royaume-Uni. En octobre dernier, Jumma Khan, un Britanno-Pakistanais âgé de 70 ans, a été abattu devant sa résidence locale. Sa famille affirme que cet assassinat a été commandé à distance, d'Angleterre, par son épouse qui semblait ne pas digérer son mariage à une autre femme au Pakistan.

"Notre enquête porte sur deux motifs: la jalousie ou une question de propriété", note Raja Azhar Iqbal, un haut responsable de la police locale. "Nous n'avons pas encore écrit notre rapport final, mais il est fort probable que ce dernier mariage soit la cause de sa mort", ajoute-t-il. Le vieux Jumma s'était marié au début des années 60 à sa cousine Fatima, qui vivait au Royaume-Uni. Au début des années 80, il divorce pour épouser Zubaida Bibi. Mais en mai dernier, cet habitant de Wakefield, dans le nord de l'Angleterre, se remarie au Pakistan avec Asia, une femme de quarante ans, sans divorcer de Zubaida.

De retour en Angleterre, la pilule ne passe tout simplement pas. "Sa relation avec son épouse a commencé à se détériorer. Il a quitté le foyer familial pour vivre avec un ami", raconte Haji Mohammad Ilyas, son frère cadet, qui accuse son épouse au Royaume-Uni d'avoir télécommandé ce meurtre, ce que la famille de cette dernière nie. Au Pakistan, pays musulman de près de 200 millions d'habitants, la loi autorise un homme à prendre jusqu'à quatre épouses, alors qu'au Royaume-Uni, la polygamie est formellement interdite, mais difficile à contrôler, car rien n'empêche par exemple un homme de prendre des épouses additionnelles lors de cérémonies à l'étranger.

Des femmes abandonnées

De nombreux Britanno-Pakistanais dotés d'une confortable situation financière et déjà mariés au Royaume-Uni épousent ainsi des femmes de retour au bled en leur promettant l'obtention du précieux sésame: la nationalité britannique. Selon Mohammad Yasin, un avocat spécialisé dans la défense des victimes de ces mariages, la vie n'a rien d'un conte de fée pour ces épouses de passage. Après avoir consommé le mariage au Pakistan, les hommes rentrent le plus souvent au Royaume-Uni sans donner signe de vie.

Dans certains cas, des femmes accouchent même d'enfants qui ne connaîtront jamais leur père. C'est le cas de Ghazla Kauser. Cette brunette âgée de 30 ans s'était mariée en 2010, mais après trois mois son mari a pris la poudre d'escampette. Direction: le Royaume-Uni. Quelques mois après cette fuite, Ghazla a donné naissance à la belle petite Mariam. "Elle me pose toujours des questions sur son père, mais je n'ai pas de réponses. Il a coupé les ponts avec nous", pleure Ghazla, condamnée de surcroît à l'opprobre public pour élever son enfant sans père. "Un jour je me suis rendue dans la famille de mon mari, mais ils m'ont maltraitée et m'ont chassée de la maison", dit-elle.

Ce scénario n'est pas tout à fait étranger à Zara Bibi, 26 ans, aussi originaire du Cachemire, qui affirme s'être mariée à 13 ans, ce qui est illégal au Pakistan et au Royaume-Uni. L'adolescente s'est rendue en Angleterre avec son mari, pour donner plus tard naissance à un garçon. "Mais mon mari ne m'a pas obtenu la nationalité britannique, alors ils m'ont renvoyée au Pakistan en prétextant que ma mère était malade. Aujourd'hui, je ne peux pas retourner au Royaume-Uni pour voir mon fils de neuf ans", se plaint-elle.

Pour l'avocat Mohammad Yasin, les cas de Ghalza et Zara ne sont pas uniques. Des centaines de Pakistanaises sont plongées dans le même embarras, mariées ici, parfois de force, pour être ensuite abandonnées par des hommes qui rentrent au Royaume-Uni, ou ailleurs.