Le hip-hop ou l'art du «do it yourself»

par
Nicolas
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Il a marqué le rap belge dans les années 2000 avec des succès incontournables comme «La Sonora », «Sous pression» ou «L'amnésie internationale»: Starflam ressurgit après cinq années d'absence. Le groupe qui avait vu le jour en 1996 s'est reconstitué pour signer deux nouveaux morceaux, «Plus que jamais» et «À l'ancienne». Metro a rencontré Kaer (photo du haut) et Fred à l'Ancienne Belgique à l'occasion du festival qui célèbre les 40 ans du hip-hop et dont Starflam ouvre le bal dès ce mercredi soir.

Comment peut-on qualifier le hip-hop?

Kaer: «Chacun a une définition qui lui est propre, rien n'est figé. Le hip-hop s'éloigne des valeurs originelles diffusées par la Zulu Nation et Africa Bombaataa. Mais c'est vouloir clamer l'existence d'individus. C'est donner son opinion, parler de soi, de son vécu, des choses qui nous touchent. Et le hip-hop affirme ça avec des moyens autres, propres à la débrouille. C'est véritablement le ‘do it yourself', le dépassement de soi et ne surtout pas se victimiser et faire du manque de moyens une force. Certains breakers, par exemple, n'ont pas attendu de s'entraîner dans des salles, ils le faisaient à même le sol, sur des parvis comme à la Basilique, dans les gares.»

Fred: «C'est une musique et des arts qui, aux premiers abords, sont faciles d'accès. Il suffit d'une platine, d'une cassette et un micro ou même juste un beatboxer. Donc, c'est un mouvement que tout le monde s'approprie. Certains sont plus dans l'égotrip, d'autres dans des textes plus recherchés. Je pense qu'à la base, c'est juste un mouvement qui vient de la rue.»

Quelle est la spécificité du hip-hop belge?

K.: «C'est un mouvement underground par la force des choses. Starflam a été une exception, par rapport à un certain succès et une diffusion, qui a un peu popularisé le genre. Il y a aussi cette volonté de construire quelque chose aux antipodes de ce qui se fait en France. Il y a une technique d'écriture propre et une façon de rester dans des compositions musicales qui sont fortement liées aux samples, même si d'autres s'aventurent sur des programmes digitaux. Mais la particularité du rap belge, c'est d'avoir une touche proche de celle des années 90. Encore actuellement, des groupes puisent dans l'énergie de ces années pour la remettre au goût du jour.»

F.: «La Belgique est un petit pays, donc le marché est plus petit. Et puis, il y a tout de suite eu une confrontation culturelle et linguistique. Alors que le hip-hop français a directement trouvé son autosuffisance, le hip-hop belge est plus dans l'international.»

Vous êtes de l'ancienne école belge. Que pensez-vous de la nouvelle?

K.: «Je ne suis pas du tout dans l'optique: ‘le rap, c'était mieux avant'. C'est un foisonnement en perpétuelle évolution et la jeunesse a un rôle primordial. Elle doit apporter une nouvelle énergie. Et même si parfois elle fait des erreurs, on en a besoin pour créer de nouvelles choses qui seront affinées par la suite. Sans ces nouvelles propositions, le hip-hop aurait pu stagner, voire disparaître.»

F.: «Il y aura toujours des styles que tu n'aimeras pas mais ils ont leurs places dans le mouvement, ça reste de la musique. Parfois tu aimes voir de bons films et parfois tu aimes voir de gros blockbusters. C'est le même rapport.»

Quelle importance accordez-vous à ce retour?

K.: «Pour nous, humainement, ce retour est très important. Nos vies ont évolué mais il y a cette passion du rap qui nous a rassemblés et nous a redonné des automatismes qui datent de nos 17 ans. Je crois que, par étapes, on inscrit des choses nouvelles dans le mouvement. Avec ce concert, on revient avec deux nouveaux morceaux, on a officialisé une nouvelle signature avec Warner dans la continuité, un best of sortira au mois de février. On est très fiers de marquer à nouveau ce mouvement.»

F.: «On est les premiers rappeurs de 40 ans à resigner avec une maison de disques (rires). On était réticents au début. Steph a eu de gros problèmes de santé. Du coup, il n'était pas certain de pouvoir assurer physiquement sur scène. Sans lui, l'un des fondateurs du groupe, cela n'aurait pas été possible. Puis, les morceaux se sont faits assez naturellement. Les couplets se sont enchaînés et on était relancés comme il y a 20 ans. Starflam, c'est notre nom de famille.»

Encore plus important d'être à l'affiche pour les 40 ans du hip-hop?

K.: «Oui, c'est gratifiant de participer à cet anniversaire en tant que groupe marquant. Et ouvrir ce festival, c'est une belle reconnaissance.»

F.: «Le hip-hop a 40 ans, nous aussi! Une double raison de le fêter (rires)»

Pouvez-vous nous en dire plus sur ces deux nouveaux morceaux?

K.: «Le premier qui s'appelle ‘Plus que jamais‘ est l'occasion de dire qu'on ne lâche pas l'affaire et qu'on est toujours présents. Avec nos parcours de vie, c'est un clin d'œil au précédent album ‘Survivant‘, donc on est ‘Plus que jamais des survivants‘. Et l'autre, c'est ‘À l'ancienne‘ qui est un morceau qui fait un clin d'œil à l'AB qui nous accueille et qui marque aussi notre façon de travailler, un peu à l'ancienne à base de samples, etc. Ces deux morceaux présentent un panel assez large de ce qu'on sait faire. On voulait proposer deux morceaux assez différents musicalement et qui montrent que l'on n'est pas cloisonnés dans un style.»

Gaëtan Gras

Crédit: Ph. D. R.