Les bibliothèques de rue, un nouveau succès ?

par
Laura
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Des livres en accès libre, à toute heure du jour et de la nuit: c'est le pari tenu par des bibliothèques installées en pleine rue en France, sur des étagères, dans des boîtes en bois, voire des horodateurs, et qui connaissent un succès croissant... en toute discrétion. Outre-Atlantique on les appelle "Little Free Library" ou "Bookboxes", un phénomène qui date du XIXe siècle et qui depuis a essaimé dans le nord de l'Europe et bien plus récemment en France, où ces bibliothèques, créées à l'initiative d'associations, de municipalités ou de particuliers, portent autant de noms qu'il y a de villes.

Prendre un livre et en déposer un autre

Ce développement hétéroclite et l'absence de site internet de référencement explique leur relative discrétion. Chacun peut venir y retirer un livre, avec pour seule contrainte d'en déposer un autre à la place, ou pas. Tout repose sur la confiance. "Si tu veux un livre, poses-en un!", est-il écrit à Rennes sur le mur de la bibliothèque de rue où David est venu avec son fils Joachim, quatre ans, déposer des livres. "Plutôt que de jeter des livres je préfère les donner", explique-t-il. "Ce qui m'a agréablement surpris, c'est que ça existe encore, et que ça n'a pas été vandalisé", souligne le papa, avant de se décider à prendre quelques ouvrages, dont une histoire d'indiens pour Joachim.

C'est lors d'un projet de réhabilitation du square où elle est installée, mené en concertation entre la Ville et l'association de quartier Bel Air, qu'est née en 2010 la bibliothèque, inspirée... par une habitante d'origine allemande qui avait découvert ce principe outre-Rhin. Ici, près de 600 livres alimentent en permanence les rayonnages, avec au final "très très peu de dégradations", souligne Philippe Guichoux, membre de l'association. Une réussite telle que dans un peu plus d'un mois, deux autres bibliothèques de rue doivent ouvrir à Rennes. Comme pour la majorité de ces bibliothèques, l'association a passé une convention avec la ville qui lui permet de profiter des "désherbages" de la bibliothèque municipale (les anciens livres qui sortent des collections). Tous les six mois, tous les ouvrages sont ainsi renouvelés. Au fil des jours, "on a de plus en plus de livres qui n'ont pas d'étiquette 'Ville de Rennes', c'est comme ça que l'on sait que ça tourne bien. L'autre indice, c'est le bazar", s'amuse M. Guichoux.

"Boîtes à lire"

C'est aussi grâce à ces "désherbages" qu'est née en 2010 la première "Boîte à lire" de Bordeaux, lancée par la municipalité et une association. Le succès est au rendez-vous: il en existe aujourd'hui une vingtaine, réparties dans différents quartiers. En chêne massif et étanches, ces bibliothèques peuvent contenir une soixantaines d'ouvrages. "Il y a un roulement très important", preuve que les habitants jouent le jeu, souligne-t-on à la municipalité.

Chinon (Indre-et-Loire) s'est lancé dans l'aventure en 2013, mais ici l'esprit est différent: chacun peut prendre un livre, sans "obligation" d'en déposer un autre. "S'ils veulent tout prendre, ils prennent tout", explique la responsable de la bibliothèque municipale, Carole Delalle. Mais au final, "il y a toujours quelque chose dans la boîte". Et cette opération "Livres en liberté", "ça marche du tonnerre", assure-t-elle. Et tant qu'à recycler les livres de la bibliothèque municipale, la commune recycle aussi son mobilier urbain: à Chinon, mais aussi dans deux communes voisines, Rivière et Saint-Benoît-la-Forêt, qui accueillent chacune une boîte, les livressont installés... dans d'anciens horodateurs.

D'autres communes ont aussi adopté le principe des bibliothèques de rue, comme Acigné (Ille-et-Vilaine), avec un "kiosque", ou encore Bayeux (Calvados) avec sa "Petite bibliothèque libre et gratuite" qui "marche du feu de Dieu", assure Yves Michon-Malaval, à l'origine de cette initiative. "C'est un mouvement qui se développe un petit peu partout", selon Philippe Guichoux, qui a créé en 2013 une association, "Les livres des rues" (www.leslivresdesrues.fr), afin d'aider ceux qui le souhaitent à créer une bibliothèque près de chez eux.