Le Nobel de littérature est-il rentable ?

par
Pierre
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BRUXELLES C'est aujourd'hui que l'Académie suédoise va dévoiler le nouveau prix Nobel de littérature qui succédera à la Canadienne Alice Munro. Les bookmakers anglais misent sur le Japonais Haruki Murakami et le Kenyan Ngugi, avec le poète syrien Adonis en embuscade. Mais ce prix intéresse-t-il les lecteurs? Nous avons posé la question à Marianne Petre, responsable Littérature chez Filigranes.

Le prix Nobel de littérature influence-t-il la vente des livres?

«Oui, les gens en sont très curieux. En tout cas ceux intéressés par la bonne littérature. Ce sont parfois des livres qui sont connus en français, comme par exemple Mario Vargas Llosa (en 2010), mais d'autres nous sont totalement inconnus, en poésie ou en théâtre, jusqu'à l'attribution de ce prix. Mais au niveau des ventes, c'est toujours bon.»

Le Nobel est le prix le plus prestigieux mais n'est-ce pas celui qui fait le plus peur au lecteur lambda?

«Pour les amateurs de littérature, c'est un prix qui intéresse vraiment, mais c'est vrai que le Goncourt est plus ‘rassurant'. On se dit peut-être que c'est moins relevé, moins difficile à lire. Mais en même temps, le Nobel marche assez bien en cadeau.»

Quand on voit qu'un Tomas Tranströmer gagne en 2011, ça ne parle pas a priori au public.

«C'est un bon exemple, parce qu'il n'y avait quasi rien en vente. Ils ont dû rééditer d'urgence un livre de poche, d'autant que c'était de la poésie. Mais les Nobel sont plutôt des ventes à long terme, c'est une référence qui dure. Ce ne sont pas des ‘best-sellers' mais plutôt des ‘long-sellers'. C'est un point de vue personnel, mais je trouve que le Goncourt choisit des choses qui vieillissent plus vite.»

Mais le Goncourt est plus rentable.

«À court terme, oui. C'est bon pour les ventes mais ce n'est pas aussi bon pour la notoriété de l'auteur, comme peut l'être le Nobel. Des gens comme De Gaulle ou Mitterrand auraient préféré avoir le Nobel de littérature plutôt que celui de la Paix.»

Le Renaudot ne correspond-t-il pas mieux aux best-sellers?

«Non je ne crois pas. C'est un jury de journalistes et de critiques, tandis que le Goncourt est décerné par des écrivains. Ça parle plus au public. En fait, ça dépend de la qualité du livre, mais le lecteur lambda veut surtout avoir le Goncourt.»

Le prix de Flore ne parle-t-il pas plus aux jeunes?

«C'est le prix un peu snob. Parfois ils ont le nez fin, comme avec Michel Houellebecq, mais dans leur liste, on trouve quand même beaucoup d'écrivains retournés dans l'ombre. Mais ce qui marche aussi, c'est par exemple le Goncourt des lycéens. Les gens aiment bien quand ce sont de vrais lecteurs qui choisissent.»

Et le prix Rossel?

«Oui ça marche bien. L'an dernier, on a fait un carton avec Alain Berenboom. Mais c'est vrai qu'à la base, c'est un bon auteur. Le Rossel, c'est un peu la fierté belge.»

Pour en revenir au Nobel, les bookmakers misent sur Murakami et Modiano.

«L'an dernier, c'était une Canadienne, Alice Munro, qui l'a reçu. Je ne sais pas s'il y a une tournante, mais j'ai l'impression que le jury a tendance à passer de l'homme à la femme, d'un auteur de théâtre à un romancier, d'un Américain à un autre continent. Donc, statistiquement, on pourrait avoir un auteur asiatique. Mais bon, il n'y a pas de vraies règles.»

Pierre Jacobs