Le puzzle d'Adrien Brody

Scott, votre personnage, gagne sa vie en vendant des modèles de costumes de couturiers italiens à des sweatshops.
par
Jerome
Temps de lecture 3 min.

Adrien Brody: «Oui, il y a sûrement des gens qui font vraiment ce genre de job. Disons que Scott ne se pose pas trop de questions éthiques. Mais après sa rencontre avec une femme, dans un bar de Rome, il commence à changer. Il trimballe un énorme sentiment de culpabilité par rapport à certaines choses qui se sont passées dans sa vie, et décide enfin d'en finir avec ça.»

Portiez-vous vraiment une imitation de costume de marque sur le tournage?

«Ha! En fait, non. Je portais un costume de marque, dont nous avions découpé la vraie étiquette pour la remplacer par une fausse étiquette.  C'était un petit plus pour le spectateur attentif.»

Le film est constitué de trois histoires qui s'entremêlent de façon très complexe. Était-ce votre propre rôle qui vous intéressait surtout, ou l'ensemble du film?

«Ce qui m'attirait dans ce film, c'était qu'il parlait de gens avec des défauts. Des gens blessés qui pansent leurs blessures. Je trouvais cela très vrai et sincère. En tant qu'acteur, je recherche toujours ce genre de personnages. Même si je joue un héros, celui-ci doit avoir des défauts. Cela ne peut pas être trop clean, personne n'est parfait.»

Qu'est-ce que cela vous fait en tant qu'être humain, de vous plonger à chaque fois dans les défauts de quelqu'un d'autre?

«Je pense que jouer la comédie m'a rendu plus empathique et plus compréhensif. Pour chaque film, je vais me mettre à la place de quelqu'un d'autre, j'essaie de vivre complètement les émotions de mon personnage. Même si c'est parfois très éloigné de moi. Cela aide à comprendre les choses, dans la vraie vie aussi. Grâce à mon métier, je suis devenu beaucoup plus conscient de mes émotions, et de celles des autres. Je suis plus ‘présent' dans la vie. Savez-vous ce que c'est? Quand vous jouez, vous avez la possibilité d'analyser les complexes et défauts humains avec une certaine distance. Quand il s'agit de vous-même, vous êtes trop près.»

Mais cela peut aussi agir dans le sens inverse, il me semble. Regardez quelqu'un comme Philip Seymour Hoffman. Jouer la comédie ne rend-t-il pas vulnérable aussi?

«Absolument, mais la vulnérabilité est nécessaire dans la vie. Les gens ont beaucoup trop peur d'être vulnérables. Mais c'est vrai, effectivement, que l'on peut être blessé quand on joue la comédie. Cela vous fait quelque chose, c'est indéniable. Je l'ai vécu encore récemment, durant le tournage de ‘Septembers of Shiraz'. J'y joue un homme qui subit de terribles tortures durant la révolution iranienne. Ces scènes de torture avaient tant exigé de moi, que je n'ai plus pu marcher pendant quelques jours. Je ressentais une terrible douleur physique, le résultat sans doute de l'abus psychologique que mon personnage avait dû supporter. Cela a été une expérience douloureuse, mais cela m'a aussi rendu plus conscient de tout ce qui existe dans le monde. De l'oppression que des tas de gens doivent subir encore aujourd'hui.»

Lieven Trio