Amélie Nothomb ressuscitée

par
joris
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La fin du livre laissait craindre le pire quant au sort d'Amélie Nothomb. Mais que les fans se rassurent! Elle était bien là pour répondre à nos questions sur son dernier roman, une histoire d'amitié au féminin.

Ouf, vous êtes vivante! C'est donc bien d'un roman qu'il s'agit!

«Oui. (Prenant une voix d'outre-tombe) J'ai déjà ressuscité! (rires) C'est bien un roman, qui m'a été inspiré par une grande amie. Je me suis demandé, si je devais écrire un roman sur une amie, qui je choisirais? Et je n'ai pas dû chercher très longtemps. J'ai toute de suite vu qui m'inspirait. Le roman de l'amitié au féminin, c'est encore très rare. Cela existe dans la littérature jeunesse, mais pas dans la littérature adulte. Donc voilà, j'ai voulu écrire le grand roman de l'amitié au féminin.»

Pétronille existe donc vraiment?

«Oui, elle existe vraiment. J'ai maquillé son identité, mais grossièrement. Elle est très facile à reconnaître. Et j'ai bien l'intention qu'on la reconnaisse. Mais l'idéal serait qu'on la reconnaisse dans un deuxième temps. Parce que je ne voudrais pas que les gens croient qu'il est indispensable de savoir qui est Pétronille pour savourer ce livre. Ce n'est pas du tout nécessaire. D'autant plus qu'il y a quand même une très grande part d'invention dans ce livre. L'idée, c'était de faire ce que Cocteau appelle du ‘mentir vrai'. Parfois, pour approcher la vérité, il faut l'inventer. Donc dans ce que je raconte sur Pétronille, il y a énormément de choses vraies, et beaucoup de choses inventées, mais les choses inventées lui ressemblent au moins autant que les choses vraies.»

Elle a lu votre livre? Qu'en a-t-elle pensé?

«Bien sûr, je ne l'aurais jamais publié sans son accord. Elle était morte de rire.»

Vous aussi, vous faites un bon personnage de roman.

«Oui, c'est une vieille habitude. Il s'agissait d'écrire le roman d'une amitié, donc forcément, j'y étais un personnage important puisque, dans l'amitié, on découvre toutes sortes de choses. On découvre l'autre, mais on découvre aussi qui l'on est soi-même. C'est aussi pour cela que c'est tellement nécessaire d'avoir des amis.»

Vous connaissiez le dénouement du livre en le commençant?

«Non, mais je savais déjà qu'il y aurait un problème, qui s'était déjà posé à moi quand j'ai écrit ‘Robert des noms propres', parce que j'écrivais aussi la vie de quelqu'un que je connaissais et qui était toujours en vie. C'est très délicat parce que comment le terminer? Alors dans les deux livres, j'ai opté pour la même fin. Donc vous voyez, ce n'est pas la première fois que je meurs dans mes bouquins et à mon avis, je vais mourir encore quelques fois.»

Vous vouvoyez donc vos amis en général?

«J'ai une tendance absolument pathologique à vouvoyer tout le monde. Si j'écoutais vraiment mon fort intérieur, je vouvoierais même les animaux et les plantes. Mais, bon, je vois bien que cela met les gens mal à l'aise. Donc ce que je fais, c'est que je laisse toujours les gens prendre les devants. Aussi longtemps que l'on ne me contrarie pas sur le chapitre du vouvoiement, je vouvoie les gens et je dois dire que souvent, cela se passe très bien.»

Quels sont les caractéristiques qui font un bon convignon ou une bonne convigne?

«Il y a vraiment trois caractéristiques de base. D'abord et avant tout, cela doit être une personne de confiance. Cela va de soi parce que quand on perd les pédales sous l'effet de l'alcool, on se livre, on va dire tous ses secrets. Si on n'a pas affaire à une personne de confiance, c'est fichu. La deuxième caractéristique semble aller de soi, mais il faut quand même le dire : il faut que cette personne sache boire. Parce que si c'est pour se retrouver avec un convignon qui ne sait pas boire, je ne vois pas tellement l'intérêt. Et troisième caractéristique non négligeable, il faut absolument que cette personne ait l'alcool gai. Parce qu'il y a des gens qui ont le vin triste, cela je préfère éviter.»

Il y a d'autres mots que «pneu» que vous placez dans chaque roman? Champagne? Œuf?

«(rires) Non, il n'y a que le mot pneu. Champagne et œufs, c'est vrai qu'ils apparaissent dans tous mes livres, mais c'est normal, mes personnages boivent tout le temps du champagne et mangent tout le temps des œufs. Tandis que ‘pneu', c'est un petit peu plus difficile, puisque franchement, les pneus n'ont rien à voir avec mes histoires. Vous avez remarqué que dans celui-ci, il apparaît même deux fois.»

Les files d'attente de vos dédicaces sont aussi un lieu de drague idéal?

«Je l'ai constaté. Et cela s'explique facilement. J'ai observé que mes lectrices avaient tendance à être les plus jolies. Les jolies filles lisent mes livres. Alors je comprends les mecs qui viennent draguer à mes dédicaces.»

Vous écrivez réellement dans une combinaison antiatomique japonaise?

«J'ai diverses tenues d'écriture, mais parmi mes tenues d'écriture, j'ai celle-là, oui. Un pyjama que j'avais reçu au Japon.»

Vous dites que «écrire est dangereux et qu'on y risque sa vie». En quel sens?

«C'est une chose que j'ai observée depuis maintenant plus de 20 ans, et qui devrait m'intimider mais qui bizarrement ne m'intimide pas, c'est que tout ce que j'écris, d'une manière ou d'une autre, finit par se passer. Donc je devrais avoir peur. Mais je crois qu'une bienheureuse inconscience me protège.»

 

En quelques lignes

Pétronille existe dans la vraie vie. Convigne d'Amélie Nothomb -comprenez sa copine de beuverie-, elle écluse avec la romancière Piper-Heidsieck, Dom Pérignon et autres millésimes. C'est donc d'une histoire d'amitié au féminin qu'il est question cette fois. Après «La nostalgie heureuse» de la rentrée dernière, Amélie Nothomb se met à nouveau en scène et nous livre de nouveaux éléments croustillants de son quotidien dont ses aficionados comme ses détracteurs se régaleront. On y découvre notamment parmi les petites manies qui font le charme de l'auteure qu'elle possède des tenues d'écriture… dont une combinaison antiatomique japonaise. La période thé noir et fruits pourris est belle et bien finie. Pas celle du champagne ni des œufs! Alors tchin-tchin!

«Pétronille», d'Amélie Nothomb, éditions Albin Michel, 180 pages, 16,50 € 

Christelle Dyon