Juliette Binoche mise en abyme

par
Jerome
Temps de lecture 3 min.

Juliette Binoche a eu 50 ans cette année. Ce n'est pas par hasard qu'elle incarne, dans ‘Sils Maria', l'actrice fictive Maria Enders, qui est confrontée à la douleur du vieillissement. Maria se voit proposer de rejouer dans la pièce de théâtre qui avait lancé sa carrière quand elle était toute jeune. Seulement, cette fois, elle n'aura pas le rôle de la séduisante jeune vamp, mais celui de la femme d'âge mûr, séduite et victime. Et elle a beaucoup de mal à s'y faire.

Maria Enders se laisse totalement absorber par son personnage Helena. La frontière entre les deux femmes devient floue. Cela vous arrive-t-il aussi parfois?

Juliette Binoche: «Je me donne toujours à 100%, mais j'ai aussi appris avec le temps à lâcher prise. Dans le temps, j'avais du mal à me défaire de mon personnage en rentrant chez moi. Depuis, j'ai appris à faire la distinction: sur le plateau, il faut être complètement dans son rôle, mais à la fin de la journée de tournage, c'est vraiment fini aussi. J'ai arrêté de rejouer à l'infini les scènes de la journée dans ma tête. Mais sur le plateau, en revanche, je vais jusqu'au bout. Parfois, le réalisateur veut déjà passer à la scène suivante, mais si je ne suis pas encore satisfaite de ma propre prestation, alors j'ose dire: ‘Attendez un peu, je veux faire encore une prise.' Et vu que cela fait 30 ans que je suis dans le métier, souvent on m'écoute. (rires)»

L'assistante de Maria, Valentine, est extrêmement importante pour elle. C'est presque malsain. Quel genre de relation avez-vous avec votre assistante?

«Nous sommes très proches. Cela fait 16 ans déjà que j'ai la même assistante, Lina. Nous sommes presque sœurs. Il y a quatre ans, il y a eu un moment où nous avons senti toutes les deux que nous devions nous laisser respirer un peu. Nous avions déjà vécu tant de choses ensemble, et elle avait envie aussi de faire elle-même des films. C'est d'ailleurs ce qu'elle a commencé à faire: elle a réalisé un court métrage, et maintenant elle a écrit un long métrage et attend l'argent pour le tourner. Cela peut prendre du temps, donc entre-temps, elle est à nouveau avec moi. (rires)»

Le film parle aussi du clash des générations. Maria commence à se remettre en question quand elle doit jouer avec une enfant star (Chloë Grace Moretz).

«Oui, c'est comme ça dans la vie. Il arrive à tout le monde de douter un peu de soi. Mais je trouve qu'il ne faut pas s'accrocher au passé. Ce n'est qu'en lâchant prise qu'on peut continuer à évoluer. Mais, en ce qui concerne ce clash de générations, je n'ai pas le sentiment qu'il y ait de la concurrence entre les actrices plus âgées et les actrices plus jeunes. J'ai d'excellentes relations avec Jeanne Moreau et d'autres actrices de cette génération. Mais aussi avec des collègues beaucoup plus jeunes. Selon moi, il y a justement beaucoup plus de rivalité entre actrices de la même génération. Parce que nous convoitons toutes les mêmes rôles.»

Chloë Grace Moretz et Kristen Stewart sont des stars qui doivent beaucoup à internet. Avez-vous remarqué cette différence?

«Surtout chez Kristen, oui. Elle est tellement surveillée par les médias, qu'elle a un besoin énorme d'intimité. Elle s'entoure d'un petit groupe de personnes en qui elle a confiance, pour se protéger et pour se sentir tout de même un peu libre au milieu de toute cette attention. Je ne pourrais pas faire ça, vivre comme elle. Je suis trop attachée à ma liberté. Je commencerais à me sentir très claustrophobe à la place de Kristen. Une autre différence est que Chloë et Kristen sont tout le temps en contact avec leurs amis via leur iPhone et d'autres outils. Elles ont essayé de me convaincre d'aller sur Facebook, Instagram, Twitter, etc. Mais qu'on me laisse tout simplement jouer ‘Antigone' au théâtre. (rires)»

Lieven Trio

 @l_trio