Quand la Chine se paie un Mondial

par
Laura
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La Chine est sans conteste la grande gagnante économique de ce Mondial 2014. Pour ce pays qui n'a connu en tout et pour tout qu'une seule qualification (2002) pour l'événement phare du football mondial, les enjeux se cristallisent ailleurs que sur les pelouses brésiliennes. Le pays a signé de nombreux contrats juteux pour ses entreprises. À l'image de Yingli Solar, devenu l'un des sponsors officiels de la FIFA et qui a fourni de l'énergie renouvelable à l'ensemble des infrastructures brésiliennes de la compétition. Par conséquent, le logo et le nom du fabricant chinois de panneaux photovoltaïques ne cesse d'apparaître à l'écran lors des rencontres.

Mais la présence chinoise en Amérique du Sud ne cantonne pas à ce seul sponsor. De nombreux produits vendus sur place portent la signature de l'artisanat chinois et témoignent du succès du «Made in China». Le «Brazuca», ballon officiel signé Adidas dont les ventes pourraient avoisiner les 14 millions d'exemplaires, est en partie confectionné en Chine. L'instrument officiel du tournoi, le «Caxirola», qui se présente sous la forme de maracas est également fabriqué dans des entreprises chinoises. Enfin, la confection de Fuleco, la mascotte officielle de la compétition ainsi que de tous les articles dérivés (peluches, reproductions 3D, porte-clés, accessoires pour automobile) a pour la première fois été confiée par la FIFA à une société chinoise, Hangzhou Landward Industrial.

DES STATIONS REBAPTISÉES

En plus des ventes fructueuses réalisées à l'exportation, la Chine peut compter sur son réservoir inépuisable de passionnés de football. Chaque jour depuis le 12 juin dernier, les villes chinoises ont été en effervescence: malgré la frustration de ne pas pouvoir suivre leur équipe nationale, des millions de fans se sont levés en pleine nuit pour suivre les rencontres. Une situation qui profite encore aux entreprises nationales: CCTV, la télévision publique chinoise, prévoit des rentrées publicitaires de 240 millions $, c'està- dire 50% de plus par rapport à la dernière édition du mondial en Afrique du Sud. De son côté, «Leshi», le plus grand site chinois de vidéos en ligne, a annoncé des revenus de 16 millions $.

L'engouement de la population chinoise est sans précédent, à tel point qu'à Pékin, les noms des stations de métro ont été modifiés le temps de la compétition pour prendre les noms des pays qui participent au Mondial. Cet enthousiasme national fait également le bonheur de nombreux sites de jeux en ligne. Preuve que le secteur a le vent en poupe cette année? Alors que les paris clandestins foisonnent dans le pays malgré leur illégalité, une loterie nationale contrôlée par Pékin a assuré que ses ventes de billets avaient passé le cap des 4 milliards de yuans (477 millions €) rien que sur le weekend du 20 au 22 juin, soit le double des montants récoltés en 2010 sur l'ensemble de la compétition. Les revenus générés par ces paris officiels devraient même atteindre les 10 milliards de yuans.

Ce succès économique chinois a de quoi laisser les Brésiliens pantois. Organiser la Coupe du monde est un projet coûteux, mais les profits qui en découlent sont bien plus importants... du moins en théorie. Car selon l'agence de notation Moody's, la Coupe du monde de football n'aura qu'un impact limité sur l'économie brésilienne, même si certains secteurs (l'alimentation, le logement et la publicité) devraient en bénéficier. Plus alarmant: selon l'assureur-crédit mondial Euler Hermes, ni la Coupe du monde, ni les prochains Jeux Olympiques de Rio prévus en 2016 ne suffiront à rembourser l'investissement massif (11,5 milliards $) fait par le Brésil. Euler Hermes craint que ces deux rendez-vous ne créent d'avantage d'inf lation que de croissance pour le pays.

Un pays qui, rappelons-le, doit faire face à une fronde sociale historique, traduite par de violentes manifestations en juin 2013. Heureusement pour le pays du ballon rond, la Chine demeure son principal partenaire commercial au sein des nations du BRIC avec près de 90 milliards $ brassés en 2013. La boucle est-elle bouclée?

Gaëtan Gras