Arabie Saoudite et droits des femmes : l'attitude belge fait polémique

La Belgique a probablement soutenu l'adhésion, vendredi dernier, de l'Arabie Saoudite à la commission des droits de la femme des Nations Unies. Le probable soutien belge à l'adhésion de l'Arabie Saoudite à la commission des droits de la femme des Nations Unies fait polémique. Le silence observé depuis lors par le ministre des Affaires Etrangères Didier Reynders (MR) crée le même effet.
par
Gaetan
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Le ministre ne l'a pas affirmé formellement, mais il a défendu le siège désormais occupé par l'Etat salafiste. Au sein des Nations-Unies, il faut débattre avec tout le monde et le dialogue doit rester possible avec chacun, a-t-il souligné.

Stratégie américaine

«Un vote positif de la Belgique est tout simplement choquant et un coup dans l'estomac de tout qui se bat pour les droits de la femme», a dit Wouter De Vriendt. Le ministre «Reynders n'ose pas provoquer l'Arabie Saoudite, et ce faisant, il légitime les violations des droits de la femme. A l'échelle du monde, ce pays est l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Les femmes y sont victimes de discrimination systématique», a-t-il expliqué, indiquant que Groen interpellera le Premier ministre Charles Michel à ce sujet.

Pour Els Van Hoof qui s'en est également indignée, «il est regrettable que la légitimité de ladite commission soit attaquée de la sorte». A ses yeux, la Belgique a probablement été prise par surprise. Il y avait d'ailleurs 13 candidats pour autant de places et dans pareil cas de figure, on ne vote pas. Mais les Etats-Unis ont provoqué un vote de manière inattendue, a-t-elle expliqué.

La députée a estimé qu'il s'agissait d'une stratégie des Etats-Unis pour décrédibiliser cet organe. La commission des Nations Unies s'occupe des droits en matière sexuelle et de reproduction. Le président américain Donald Trump a décidé, peu après sa prestation de serment, de retirer les subsides américains destinés aux ONG qui aident les femmes et les jeunes filles à bénéficier d'avortements sécurisés, dans le domaine de l'obstétrique, de l'information sur la sexualité et des moyens de protection.

Une esquive de Reynders "révoltante"

BELGA / L. DIEFFEMBACQ

Le député et président de DéFI, Olivier Maingain, déplore la manière dont le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, n'a pas répondu aux questions parlementaires sur l'attitude de la Belgique lors de l'admission de l'Arabie saoudite dans la commission des Nations Unies pour les droits de la femme. Selon lui, on ne peut accepter des compromis sur de tels sujets.

«Révoltant! Demander à un pays qui est le bourreau des droits des femmes d'être dans une instance comme celle-là... Les diplomates vont nous dire: il vaut mieux dialoguer. A un moment, il y a des signes forts à donner. Quand on veut faire respecter les valeurs universelles qui sont les nôtres, il y a des compromis que l'on ne fait pas. La manière dont Didier Reynders fuit la question de savoir quel a été le vote de la Belgique n'est pas acceptable», a expliqué M. Maingain sur les ondes de Bel-RTL.

De son côté, le vice-premier ministre Open Vld et ministre de la Coopération Alexander De Croo "n'aurait jamais approuvé l'entrée de l'Arabie saoudite dans la commission des Nations Unies pour les droits des femmes, ni donné une instruction en ce sens".

Un vote secret en urgence

Le 19 avril, l'Arabie saoudite est devenue l'un des 13 membres de cette commission à la suite d'un vote secret auquel la Belgique a pris part. Le vote, inhabituel dans ce genre de circonstances, a été demandé par les Etats-Unis.

Chacun des candidats aux trois organes qui devaient être pourvus de nouveaux membres, dont la commission pour les droits de la femme, a été admis, a indiqué M. Reynders mercredi en réponse à des questions de Gwenaëlle Grovonisu (PS), Wouter De Vriendt (Groen-Ecolo) et Els Van Hoof (CD&V). A l'en croire, cela n'est pas surprenant: il y avait autant de candidats que de sièges à pourvoir au sein de chaque groupe régional.

Didier Reynders garde le silence

Vu le caractère secret du vote, M. Reynders n'a pas fait de commentaire sur le choix belge (même s'il semble avoir été positif, selon les députés), précisant toutefois qu'il n'avait pas été mis au courant de la demande de vote.

«La Belgique ne se réjouit aucunement de l'élection de l'Arabie saoudite au sein de cette commission mais doit bien constater qu'elle était la seule candidate de son groupe à cette place», a ajouté le ministre, rappelant au passage que les organes de l'ONU ne pouvaient être composés uniquement de pays «avec lesquels on est globalement d'accord».

«Un ministre doit assumer devant l'opinion publique des choix clairs, surtout sur une question comme celle-là. On ne fuit pas ses responsabilités», a fustigé M. Maingain.

Des femmes contrôlées au quotidien 

AFP / F. NURELDINE

Pour rappel, l'Arabie saoudite possède une législation fort restrictive en matière de droits des femmes.

Outre les mariages forcés, la gent féminine y est notamment interdite de conduire une voiture. Mais les femmes subissent surtout la tradition de la "tutelle légale". la loi leur impose en effet d'être mises sous le contrôle d'un tuteur, généralement d'un "homme" de leur famille (leur mari, leur père, leur fils, un oncle, etc.), qui donne ou ne donne pas son accord aux faits et gestes du quotidien.

Ces dernières années, des voix se sont élevées. De nombreuses Saoudiennes et Saoudiens ont dénoncé ce système, avec parfois des condamnations à la clé.

Raison pour laquelle le pays observe une fuite de ses femmes vers l'étranger ou vers Djeddah, la ville la plus libérale du pays. D'après les estimations de l'université de Ryad relayées par l'Economist, plus d'un millier de femmes fuient chaque année.

Le quotidien détaille d'ailleurs le problème financier que représente la fuite de ses talents. A l'heure où la plupart des étudiants sont des étudiantes, les pertes du pays sont estimées à 5 milliards €