En Libye, les migrants sont victimes d'esclavage

L'Organisation internationale pour les migrations au Niger et en Libye a dénoncé l'existence d'un trafic d'êtres humains. D'après l'organisation, les migrants venus d'Afrique de l'Ouest sont vendus au marché comme des esclaves et font l'objet de rançons.
par
Gaelle
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D'après, Mohammed Abdiker, le dirigeant du département des opérations et des situations d'urgence de l'OIM, le trafic d'êtres humains devient courant en Libye et a désormais lieu sur la place publique. "On peut ajouter les ‘marchés aux esclaves' à la liste des horreurs qui se passent en Libye. Plus l'OIM se penche sur la Libye, plus nous apprenons que c'est une vallée de larmes pour de trop nombreux migrants."

L'organisation explique que la Libye est un des principaux points de fuite pour les réfugiés qui veulent arriver en Europe. Mais la situation du pays est jugée instable depuis le renversement de Kadhafi en 2011. "La Libye a sombré dans le chaos des droits humains sur fond de non-droit, de violations généralisées et de crimes de guerre commis par des milices et des groupes armés rivaux. Mais aussi face à la menace grandissante représentée par l'État islamique," explique Amnesty International.

Le retour de l'esclavage

Les chargés d'opérations de l'OIM au Niger ont diffusé le témoignage d'un migrant sénégalais de 34 ans qui a pu rentrer chez lui cette semaine après avoir été séquestré pendant des mois.

D'après l'OIM, le migrant sénégalais tentait de se rendre vers le nord à travers le Sahara. Mais quand il est arrivé à Agadez, au Niger, on lui a dit qu'il devait payer 200.000 francs CFA (environ 320$) pour poursuivre son chemin vers le nord, en direction de la Libye.

Un trafiquant lui a alors fourni un hébergement jusqu'au jour du départ de son périple, qui devait se faire en camionnette. Une expédition de plus de deux jours à travers le désert. Lorsque sa camionnette est arrivée à Sabha, le chauffeur a déclaré que les intermédiaires ne lui avaient pas payé sa commission. Il les a alors mis en vente dans la ville.

Le jeune Sénéglais explique, à l'OIM, avoir été "acheté" puis conduit dans sa première "prison", une maison individuelle où plus d'une centaine de migrants étaient retenus en otage.

Payer les demandes de rançons ou mourir

Il a raconté que "les ravisseurs forçaient les migrants à appeler leur famille au pays", peut-on lire sur le site de l'organisation. Lors de ses appels, ceux-ci étaient battus pour motiver leurs proches terrorisés à payer rapidement.

"Pour être libéré de cette première maison, il devait payer 300.000 francs CFA (environ 480$) qu'il n'a pas pu récolter. Il a ensuite été "acheté" par un autre Libyen, qui l'a amené dans une maison plus grande, où un nouveau prix a été fixé pour sa libération : 600.000 francs CFA (970$ environ)", relate l'OIM.

Le migrant a réussi à réunir de l'argent de sa famille par téléphone. Puis, il a accepté de travailler en tant qu'interprète pour les ravisseurs. Il voulait surtout éviter de nouvelles tortures.

Les conditions de détentions décrites étaient inhumaines. Les conditions sanitaires étaient horribles et les migrants n'étaient nourris qu'une seule fois par jour, juste de quoi survivre. Certains, incapables de payer, ont été tués ou abandonnés à leur sort, condamnés à mourir de faim.

L'OIM tente d'agir

« La situation est critique », a déclaré Mohammed Abdiker, Directeur des opérations d'urgence de l'OIM, qui revient d'une récente visite à Tripoli. "Ces derniers mois, le personnel de l'OIM en Libye avait eu accès à plusieurs centres de détention, où il tente d'améliorer les conditions. Nous savons que les migrants qui tombent entre les mains des passeurs sont systématiquement confrontés à la malnutrition, aux abus sexuels et même au meurtre. L'année dernière, nous avons appris que 14 migrants étaient décédés en un seul mois dans l'un de ces centres, de maladies et de malnutrition. Et nous avons aussi appris l'existence de fosses communes dans le désert."

L'OIM essaye d'aider les migrants rescapés, en leur envoyant des médecins. Ensuite, l'organisation tente de leur trouver des familles d'accueil dans lesquelles, les médecins les prennent en charge pour leur donner les médicaments et la nourriture dont ils ont besoins. Puis, l'OIM les aide à rentrer dans leur pays, tout en continuant de payer leurs traitements médicaux.

L'organisation tente de prévenir les migrants du danger. "Nous recueillons les témoignages de migrants qui ont souffert et nous les diffusons dans les médias sociaux et sur les stations de radio locales". Mais, malheureusement d'après Leonard Doyla "les messagers les plus crédibles sont les migrants qui rentrent chez eux avec l'aide de l'OIM. Bien trop souvent, ils sont brisés, ont été brutalisés et abusés, souvent sexuellement. Leurs voix portent un poids plus lourd que n'importe qui d'autre."