L'ADN laissé par les poissons dans l'eau utilisé pour analyser leurs mouvements

Une simple analyse de l'ADN laissé par les poissons dans l'eau a permis avec succès de traquer la présence ou l'absence d'espèces lors d'une migration saisonnière, a montré une étude publiée mercredi aux Etats-Unis.
par
Laura
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Cette nouvelle technique simple et peu coûteuse devrait faciliter la surveillance et la protection des espèces marines et des écosystèmes.

L'expérience concluante a été menée dans l'East River, un bras de mer, et le fleuve Hudson à New York à partir du printemps. "En effectuant une série d'analyses d'un litre d'eau prélevé à la surface une fois par semaine au même endroit pendant six mois, nous avons pu démontrer avec succès l'efficacité d'une nouvelle méthode pour traquer des migrations de poissons grâce à leur ADN", expliquent les chercheurs de l'Université new-yorkaise Rockefeller, dont les travaux paraissent dans la dernière édition de la revue scientifique PLOS One.

Un film de mouvements de poissons

En nageant, les poissons laissent des traces de leur ADN dans l'eau provenant de leur peau ou de leurs excréments. Les données collectées ont permis de créer comme un film des mouvements de poissons qui a confirmé les résultats des études de ces migrations saisonnières effectuées pendant de nombreuses années à partir des prises dans les chaluts.

Cette technique devrait permettre de facilement estimer l'abondance et la distribution des différents poissons et d'autres espèces dans les rivières, les lacs, les mers et océans, selon les auteurs.

Nouvel éclairage

"Nos travaux procurent un nouvel éclairage sur la durabilité de l'ADN dans l'eau qui peut persister sans dégradation malgré les courants et les marées", explique à l'AFP Mark Stoeckle, directeur du programme pour l'environnement humain à l'Université Rockefeller, un des principaux auteurs. Il précise, en citant des analyses faites dans des aquariums, que l'ADN peut se préserver intact pendant plusieurs jours, peut-être une semaine.

Cette étude s'est inspirée notamment du scientifique français Pierre Tabarlet, de l'Université de Grenoble, qui pour la première fois a montré que de petits volumes d'eau douce et salée contenaient suffisamment de bribes d'ADN pour détecter des dizaines d'espèces de poissons.

42 poissons analysés

Pour celle publiée mercredi, le professeur Stoeckle et son équipe ont pu obtenir l'ADN de 42 espèces de poissons dont 81% connues comme étant abondantes localement dans le fleuve Hudson et l'East river tels le tassergal et le bar rayé. "J'ai été vraiment surpris d'obtenir les mêmes informations à partir d'un petit échantillon d'eau que dans une large prise provenant d'un filet de chalutier", pointe le professeur Stoeckle.

Ces chercheurs ont également collecté de l'ADN provenant de poissons consommés par les new-yorkais mais qui ne sont pas naturellement présents dans l'Hudson et l'East River, comme le loup de mer européen, le tilapia du Nil, le saumon ou le rouget. Ils en concluent que l'ADN de ces poissons s'était retrouvé dans ces eaux en passant par les égouts, malgré les stations épuration.

"Potentiel énorme"

Pour Jesse Ausubel, un chercheur de l'Université Rockefeller, cette technique d'identification pourrait aider à identifier des espèces en danger d'extinction vendues illégalement sur les marchés et dans les restaurants locaux.

Les prochaines étapes vont consister à affiner cette technique et son calibrage en faisant davantage de comparaisons entre les résultats des analyses ADN et les données provenant des méthodes traditionnelles, comme les prises des chaluts et des sonars. Selon ce scientifique, le processus devrait prendre de cinq à dix ans avec à la clé "un potentiel énorme". "L'identification des espèces de poissons par leur ADN pourra ainsi aisément améliorer le calcul des quotas de pêche et la surveillance de leur respect partout dans le monde", prédit-il.

 

Pour Tony MacDonald, directeur de l'Institut Urban Coast à l'Université Monmouth (New Jersey), "cette nouvelle technique représente potentiellement une avancée importante dans la capacité de détection des espèces (...) et pour gérer plus efficacement les pêcheries et la biodiversité marine".