Loïc Nottet : « La société d'aujourd'hui se regarde trop dans le miroir »

Loïc Nottet, ancien candidat de «The Voice Belgique», vient de sortir son très attendu premier album, intitulé «Selfocracy». Très pop, avec des touches de rap et quelques chœurs, il aborde la problématique du harcèlement chez les jeunes mais surtout le narcissisme qui règne aujourd'hui. Conversation très sympathique avec un jeune artiste passionné.
par
Marie
Temps de lecture 4 min.

Le public attendait ce premier album depuis longtemps. Il t'a demandé beaucoup de travail?

«Oui, beaucoup de travail, beaucoup de temps, de réflexions et de prises de tête.»

Comment s'est passée la réalisation? Tu as presque tout fait toi-même?

«J'ai d'abord composé toutes les chansons au piano, en yaourt, devant des films. Je suis quelqu'un qui se nourrit beaucoup des images et des personnages. Donc, je regardais des films sans son. Et c'est de là que j'entendais la musique dans ma tête.»

Quel style de films?

«Ça dépend. J'aime tout ce qui est sombre, comme les films de Tim Burton. J'adore aussi ‘The Conjuring'. J'ai une fascination pour la mort depuis que je suis petit. Je ne sais pas pourquoi. Mais, pour revenir à la réalisation de l'album, j'ai fait ensuite la base de la production à la maison, avec des sonorités qui me plaisaient. Puis, j'ai envoyé le tout à des producteurs. Ensuite, j'ai écrit les paroles en français et je les ai données à traduire à une amie anglophone.»

Tu dis dans une de tes chansons: «Music is my own therapy». C'est une thérapie cet album?

«Oui, ça fait du bien, ça libère. Ça me réconforte dans le fait que je veux vraiment faire de la musique, ma vie. J'avais vu la scène avec ‘The Voice' mais pas encore la composition. Quand je ne suis pas bien et que j'ai de l'inspiration, ça illumine ma journée.»

On ressent un peu de souffrance dans cet album qui parle de moqueries, d'insultes et de harcèlement. Ce sont des choses que tu as vécues?

«C'est sûr qu'il y a des moments qui m'ont marqué: quand on est dans la cour de récréation, et qu'on a une voix un peu fluette, et qu'on préfère danser que jouer au foot, évidemment, les autres critiquent et se moquent. Peut-être que c'est resté gravé à l'intérieur de moi et que je l'extériorise par la musique. Mais bon, ça ne m'a pas tué. Au contraire, ça m'a renforcé, et aujourd'hui, c'est une belle revanche.»

Tu parles beaucoup d'égoïsme et de narcissisme dans l'album. Tu nous invites à casser le miroir. Nous sommes trop dans l'apparence?

«Oui, j'ai l'impression que la société est de plus en plus narcissique, égocentrique et égoïste. Je trouve ça dommage, il n'y a pas que l'apparence dans la vie. Ce que je trouve dangereux, c'est quand on commence à écouter son reflet et se dire: ‘Je suis plus beau que tout le monde'. C'est comme ça qu'on commence à juger les autres parce qu'ils sont différents, alors qu'ils sont exactement pareils. La société d'aujourd'hui se regarde trop dans le miroir, avec Snapchat, les selfies, etc.»

D'où le titre de ton album, «Selfocracy»

«Exactement. C'est le pouvoir du moi, le règne du soi. C'est moi avant toi et je m'en fous de ce que tu penses. Si je veux dégueuler ma haine sur toi, ça me fait du bien et je m'en fous si tu te suicides après. C'est une caricature mais j'ai l'impression que l'on va de plus en plus vers ça. Les uns et les autres prennent de plus en plus d'assurance parce qu'on donne trop de valeur à l'apparence.»

Tu lances aussi un appel à la tolérance

«Oui, même si je sais que je ne vais pas changer le monde. Mais si je peux changer un peu la vision de certains jeunes qui écouteront ma musique, tant mieux.»

Ton album est très pop, mais il y a aussi des sonorités plus expérimentales, du rap, etc. Par quoi as-tu été influencé?

«Musicalement, je m'inspire beaucoup de Freddy Mercury. Mais j'aime aussi beaucoup Sia, Lana Del Rey, Imagine Dragons et Florence and The Machine: c'est mon top 5. Et dans le rap, j'adore Eminem. J'aime beaucoup le rap mais je ne peux pas en faire parce que je n'ai pas le timbre qui s'y prête.»

Quand on écoute ton album, on t'imagine déjà sur scène.

«Oui, il y avait une volonté d'amener des morceaux pêchus. Je savais que je voulais un show, avec de l'exercice physique. La danse, ça fait aussi partie de moi.»

Tu as plusieurs concerts prévus cette année. Tu peux nous dire un mot sur la mise en scène?

«Il y aura de vrais musiciens, pas juste une bande-son. Il y aura des danseurs et des écrans. Mais il n'y aura pas de feux d'artifice ou des choses dans ce genre, c'est ‘too much' pour moi.»

Comment décrirais-tu ton évolution artistique depuis The Voice?

«Beaucoup de travail, beaucoup de coaching personnel. J'ai beaucoup travaillé sur ma voix, je la connais beaucoup mieux maintenant. Je me sens aussi de plus en plus à l'aise sur scène, avec le public. Il y a un an, j'avais peur qu'on me lance des tomates (rires). Je sens aussi que je suis plus mature qu'avant.»

Comment imagines-tu la carrière idéale?

«J'ai beaucoup d'ambition. Mon rêve, ce serait de pouvoir défendre ‘Selfocracy' aux États-Unis. Même si je sais que ça va être compliqué. Sinon, je rêve d'être encore ici devant vous dans dix ans.»

«Selfocracy» (Sony)

3/5