Bruno Coppens : "Je suis un mélancomique!"

Jongleur des mots, Bruno Coppens serait-il devenu un gourou du bien-être ? Dans « 106 façons simples pour survivre à ces temps assommants », l'humoriste et chroniqueur tord le cou aux recettes toutes faites du bonheur. Cet optimiste préfère nous faire rire de cette quête très contemporaine.
par
Nicolas
Temps de lecture 4 min.

Vous voilà donc coach de vie, Bruno Coppens ?

« Vous avez certainement vu ces livres souvent mis en évidence près des caisses des magasins qui vous disent comment aller mieux, ‘Voici 100 pensées positives', ‘Le Dalaï Lama vous parle'. Des bouquins très superficiels et qui n'apportent rien. J'avais envie de faire une parodie de ça. Je reprends le modèle des conseils, mais sur un ton toujours ironique en parlant de choses comme la mort par exemple mais de manière un peu extravagante. »

Qu'est-ce qui rend ces temps si assommants ?

« En Belgique, j'ai appris la semaine passée que la crise économique était en train de se terminer et que tout allait mieux. Mais demandez autour de vous, personne ne se rend compte de ça. Même les bonnes nouvelles ne le sont plus. Je crois qu'on a le moral dans les talons et que l'époque est anxiogène. Comme me le disait un Québécois récemment, le fait d'être en vie aujourd'hui, c'est déjà formidable ! Les attentats, des événements douloureux, quand on cumule Trump, Poutine, Erdogan et ce qui se prépare en France, on a une chape de plomb sur la tête. »

J'ai quand même l'impression que vous êtes quelqu'un d'optimiste…

« Ah oui tout à fait ! Mais il faut par le rire et le second degré qu'il faut parvenir à se dégager de ça. Il faut toucher le fond pour remonter. Quand je parle de la mort, je conseille de faire un cercueil végétal ou d'empailler votre chien. Cela peut paraître très négatif, mais dans ce tourbillon de malheur, j'en rajoute de manière tellement décalée qui impose une distance. Je voudrais que les gens créent cette distance par rapport à ce qu'ils sont en train de vivre. »

Ce que vous n'aimez pas, ce sont les recettes toutes faites !

« Il ne suffit pas de mettre des pensées du Dalaï Lama et de Paulo Coelho l'une après l'autre pour trouver le bonheur. Tout cela est très aseptisé et ne colle pas à la réalité. Dans ce livre, parfois je parle de choses très scientifiques comme le dégagement d'ocytocine provoquée par le regard du chien (appelée aussi « hormone du plaisir », NDLR) pour délirer par la suite. Je voulais me foutre des philosophes et des mantras qui se contredisent parfois. D'ailleurs, mes conseils se contredisent souvent. »

Il y a même des conseils qu'on a juste envie d'essayer comme le n°39 : « Entrez dans une église lors d'un mariage dont vous ignorez tout…

« Ahahah. J'ai l'impression que beaucoup de gens veulent vivre par procuration. Ils sont isolés, ne sont pas bien. Leur vie ne leur paraît pas extraordinaire alors que la télé nous montre des gens de la rue peuvent être les vedettes d'un soir. Cela crée des frustrés. Je suis sûr qu'il y a des gens qui rêvent d'être les stars d'un mariage. »

Si vous aimez toujours jouer avec la langue française, on vous découvre maintenant observateur du monde et de la politique, que ce soit  dans vos spectacles, vos chroniques ou dans votre émission « Un samedi d'enfer » sur La Prem1ère …

« J'avais besoin au début de ma carrière d'affiner mon style d'écriture et de retirer un nouveau sens, un nouveau jus de mots. Je me rends compte qu'aujourd'hui je peux lâcher ça pour aller encore davantage dans le fond. Mais je ne cherche pas à faire une synthèse du monde, je n'en suis pas capable. Mais j'essaie de saisir ce qui est dans l'air du temps. Je me suis rendu compte aussi qu'on est toujours dans le gris, jamais totalement dans le blanc ou totalement dans le noir. J'ai de plus en plus plus envie d'observer ça. Je suis arrivé à un moment de ma vie où j'ai envie de partager ce regard sur le monde en plus du plaisir du mot. »

Vous côtoyez les politiques dans vos émissions. Quelles impressions en retirez-vous ?

« Dans les ‘Cafés serrés', je ne les vois que deux minutes. Par contre, dans l'émission du samedi, j'ai des contacts avant et après l'émission. J'ai envie de mieux les connaître de comprendre ce qui les a amené à faire de la politique. On sent que certains vont voir les citoyens tout le week-end. Je me rends compte d'un engagement réel. Même si l'émission est assez rentre-dedans, je crois que les auditeurs les découvrent vraiment. Ça me plaît bien parce qu'on sort du ‘Il est mauvais' ou ‘Il est tout bon'. »

Allez, vous avez bien une recette pour être heureux ?

« C'est dur ça ! Vous savez, je voulais être prof de français. Un jour un copain m'a demandé de venir faire un sketch. Pui je me suis retrouvé dans Bla-Bla à m'adresser aux enfants. Bien sûr, j'ai lancé des petits cailloux pour qu'on m'entende. Mais j'ai fait confiance à des gens. Mon conseil est de dire que rien n'est arrêté, tout peut changer aujourd'hui ou demain. »

Vous n'êtes pas le genre de comique, mélancolique dans la vie ?

« Disons plutôt que je suis un mélancomique ! »

Nicolas Naizy

« 106 façons simples de supporter ces temps assommants », de Bruno Coppens, éditions Le Castor astral, 152 pages, 12,90 €

Bruno Coppens a sorti également le deuxième tome de son « Ludictionnaire 2 » aux éditions Racine, 160 pages, 14,95 €