La Ligue des Droits de l'Homme critique les mesures sécuritaires de l'Etat

par
Gaetan
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Dans son rapport annuel 2016-2017, la Ligue des Droits de l'Homme critique les faux pas sécuritaires du gouvernement Michel alors que le sous-investissement de la Justice a mis à mal les droits fondamentaux.

«Par les temps qui courent, exiger le respect de ce qui devrait constituer la boussole de l'action publique, à savoir le respect des droits fondamentaux, devient une sorte de radicalité face au rouleau compresseur de l'Etat sécuritaire», regrette le secrétaire général de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Pierre-Arnaud Perrouty, dans l'introduction du rapport. Alors que les droits fondamentaux restent tributaires d'un rapport de force, la LDH estime de plus en plus difficile de faire entendre une voix discordante par rapport à celle des gouvernements.

Les attentats terroristes et la crise migratoire conduisent à restreindre les libertés civiles et politiques, tandis que la crise économique et financière et la crise environnementale érodent les droits économiques, sociaux et culturels, écrit la LDH. «En 2016, de nombreuses catégories de la population ont exprimé, en manifestant, en pétitionnant, en faisant grève ou en allant devant la justice, leurs critiques, mécontentement ou colère», poursuit-elle, avant de revenir sur quelques uns de ses combats.

La Justice 'détricotée'

Le chapitre consacré à l'état de la justice est particulièrement virulent: «le sous-effectif tant chez les magistrats assis et debout qu'aux greffes, la diminution du nombre d'huissiers d'audience, la réforme de l'aide juridique, la fermeture partielle de certains greffes, l'application difficile de la loi 'Pot-pourri II', l'archaïsme des infrastructures... Les carences de la justice belge se sont multipliées» en 2016, considère la LDH, qui rappelle la grève des magistrats du 2 juin, «un fait rarissime», ainsi que le manque de moyens financiers blâmé jusque par le premier président de la Cour de cassation.

La Belgique ne dispose toujours pas d'organe de surveillance des prisons qui répond aux prescrits du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture, que notre pays a signé il y a 11 ans mais toujours pas ratifié, fustige en outre la LDH.

En 2016, l'Etat belge a été une nouvelle fois condamné par la Cour européenne des Droits de l'Homme pour avoir maintenu en détention à durée indéterminée une personne internée souffrant de troubles mentaux dans l'aile psychiatrique d'une prison, rappelle de plus l'association. Et si une nouvelle loi sur l'internement a été adoptée, celle-ci maintient les annexes psychiatriques des prisons comme lieux d'internement possible.

L'organisation est plus hésitante sur l'opportunité de mettre en place un service garanti dans les prisons, et admet que le débat sur cette question n'est toujours pas clos en interne.

«L'illusion de sécurité»

Les différentes contributions du rapport dénoncent encore l'accord entre l'Union européenne et la Turquie sur les migrants et la création de l'agence Frontex, qui remettent en question les principes de protection et de non-refoulement des réfugiés.

Enfin, la LDH condamne les pressions sur le secret professionnel des travailleurs sociaux ainsi que les pratiques policières abusives et, plus globalement, réitère sa préoccupation quant aux mesures de lutte contre le terrorisme. Dorénavant, le fait d'inciter directement ou indirectement à la perpétration d'actes terroristes constitue une infraction même si aucun risque de passage à l'acte ne peut naître des propos tenus. «La marge d'appréciation laissée au magistrat et, dès lors, le risque d'atteintes au droit à la liberté d'expression», s'en trouvent considérablement élargis, s'inquiète-t-elle notamment.

«Le danger qui guette nos gouvernements est d'amener le citoyen à sacrifier ses droits et libertés pour une illusion de sécurité. C'est le piège que les terroristes nous tendent. Ne leur offrons pas cette victoire», conclut son président Alexis Deswaef.