Voici ce que prévoit le référendum en Turquie sur le renforcement des pouvoirs d'Erdogan

Alors que la diaspora turque est invitée aux urnes pour voter sur le référendum en Turquie, voici les détails de cette réforme qui prévoit le renforcement considérable des pouvoirs du président Erdogan.
par
Gaetan
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Les quelque 5,5 millions de Turcs résidant à l'étranger seront les premiers à s'exprimer par référendum sur la réforme constitutionnelle qui vise à instaurer un régime présidentiel en Turquie, renforçant considérablement les prérogatives du président Recep Tayyip Erdogan. Organisé simultanément dans une soixantaine de pays, dont la Belgique, le scrutin se déroulera à partir ce lundi jusqu'au 9 avril prochain, tandis qu'il est fixé au 16 avril en Turquie.

 

De régime parlementaire à un système présentiel

Le projet de révision constitutionnelle adopté fin janvier par le parlement turc prévoit donc le passage du régime parlementaire en vigueur à un système présidentiel souhaité par l'AKP, le parti du président Recep Tayyip Erdogan, dont les prérogatives seraient considérablement renforcées.

Inscrite au programme du Parti de la Justice et du Développement (AKP) et soutenue par une large partie de la formation de droite nationaliste MHP, cette réforme prévoit le transfert du pouvoir exécutif du Premier ministre -fonction qui serait supprimée- au président de la République. En cas de victoire du «oui», celui-ci gouvernerait alors avec un ou plusieurs vice-présidents qu'il désignerait lui-même.

Le texte, qui comprend 18 articles, prévoit également d'autoriser le président à gouverner par décret, déclarer l'état d'urgence, dissoudre le parlement, dont le nombre de députés passerait de 550 à 600, ou encore de nommer certains hauts fonctionnaires et magistrats.

Une procédure de destitution pourrait néanmoins être enclenchée si une motion recueille 367 voix au parlement.

Erdogan au pouvoir jusqu'en 2029 ?

M. Erdogan, élu chef de l'Etat en 2014 après trois mandats à la tête du gouvernement (2003-2014), pourrait par ailleurs rester au pouvoir jusqu'en 2029 s'il se porte candidat à la présidentielle de 2019, le texte prévoyant un mandat de cinq ans renouvelable une fois.

«En réalité, l'instauration d'un système présidentiel donne une assise légale au mode de fonctionnement de M. Erdogan, qui viole chaque jour la Constitution actuelle; son rôle de président étant initialement honorifique», explique le chercheur à l'Institut des sciences politiques de l'UCL, Vincent Eiffling.

Si l'AKP et le MHP affirment qu'un système présidentiel est nécessaire pour assurer la stabilité au sommet de l'Etat, en particulier depuis la tentative de coup d'Etat manquée du 15 juillet, les détracteurs du texte, eux, dénoncent une dérive autoritaire et mettent en garde contre les dangers d'une trop grande concentration de pouvoirs entre les mains d'un seul homme.

Le résultat du référendum s'annonce serré

D'après les derniers sondages, le résultat s'annonce serré, le camp des partisans étant au coude à coude avec celui des opposants.

«Si le oui l'emporte, le risque est grand de voir s'accentuer encore les divisions au sein de la société turque, ce qui est tout sauf un gage de stabilité», estime Vincent Eiffling.

Depuis le coup d'Etat manqué du 15 juillet, plus de 41.000 personnes soupçonnées de «soutien au terrorisme» ont été arrêtées en Turquie et plus de 100.000 limogées ou suspendues, notamment des professeurs, des policiers et des magistrats. Des dizaines de médias et d'associations ont par ailleurs été fermés et de nombreux journalistes licenciés.