Une famille face au jihad

La radicalisation de jeunes élevés au cœur des capitales européennes est un phénomène nouveau. «Il peut toucher absolument tout le monde», prévient Véronique Roy. Cette maman sait de quoi elle parle: à sa plus grande surprise, son fils a rejoint les rangs du groupe État islamiste.
par
Camille
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«Quentin aurait pu être un militant pacifiste, écologiste, altermondialiste…» Véronique Roy en est convaincu: son fils ne cherchait rien d'autre que la pureté d'un engagement. Loin de tels idéaux, le jeune Quentin a finalement sombré vers une sombre cause. Un matin de septembre 2014, il s'envole vers la Turquie, d'où il rejoindra rapidement la Syrie et les jihadistes du groupe État islamique. Il y est mort en janvier dernier, dans des circonstances encore floue. «Peut-être comme kamikaze», suppose Véronique Roy.

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Comment un enfant qui a grandi dans une famille aimante, portée vers la culture et le multiculturalisme, a-t-il pu basculer dans cet enfer? Sa radicalisation demeure un mystère pour ses parents. Il s'est converti à l'islam en 2012. «Nous n'avions aucune raison de condamner cela», explique sa maman. D'ailleurs, le jeune homme assure alors que ce choix ne changera rien aux relations familiales.

De la conversion aux excès

Au fils des mois, les attitudes de Quentin change. Il préfère quitter la table familiale quand une bouteille de vin y est déposée, refuse d'entrer dans l'église pour les funérailles de sa grand-mère. Ses parents sont conscients du glissement. Mais sur les conseils difficilement obtenus auprès de spécialistes, ils tentent à tout prix de maintenir le contact avec Quentin, afin d'éviter qu'il ne leur échappe totalement. Pourtant, Quentin s'isole de plus en plus. Il décroche de l'université, où il étudie le sport.

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L'annonce de son arrivée en Syrie a autant constitué un choc qu'une surprise. «À cette époque, on ne parlait pas encore de la radicalisation», justifie Véronique Roy. De fait, les services français contactés semblent désemparés. La famille se tourne alors vers un ancien jihadiste, désormais engagé pour dissuader les jeunes de reproduire son erreur. Sa mère se met à croire à un destin similaire, sûre que la volonté d'engagement de Quentin peut se manifester autrement que dans la violence et l'intolérance. Lors des quelques contacts avec ce fils parti en Syrie, ses parents lui rappellent les bons moments partagés en famille, avec l'espoir de le voir déserter les rangs jihadistes. Mais le jeune homme, certainement coaché par ses recruteurs, est difficile à convaincre. Prudent, il ne dit jamais où il se trouve.

Prévenir

«J'ai appris sa mort un jour de janvier 2016, par un message sur Whatsapp», reprend Véronique Roy. Passé le choc, elle s'est engagée. Pour éviter que les parents ne soient laissés sur le banc de la lutte contre la radicalisation. «Nous ne sommes pas coupables» rappelle-t-elle. «Et nous avons un rôle à jouer.» Elle prévient: ce drame peut arriver dans n'importe quelle famille, famille issue de l'immigration ou non. Surtout, elle rappelle que les parents, dans cette situation, sont eux aussi des victimes.