Véronique Roy, mère d'un jihadiste : «Je ne cherche pas à disculper Quentin»

Comment un garçon qui a grandi dans une famille aimante de la classe moyenne a-t-il pu basculer dans le jihadisme? Véronique Roy, la mère d'un jeune radicalisé français tué en Syrie, se pose toujours la question.
par
Camille
Temps de lecture 3 min.

Plus d'un an a passé depuis la mort de votre fils Quentin. Y voyez-vous plus clair sur ce qui l'a poussé à rejoindre les rangs de l'EI?

«Bien des points restent flous. J'ai rencontré Ismaël Saïdi, l'auteur de la pièce Jihad. Il évoque le choix de jeunes issus de milieux sociaux défavorisés, déclassés, qui font face au rejet du reste de la société. Mais Quentin n'était pas dans cette situation! Aujourd'hui encore, malgré le temps qui passe et mes recherches, je ne comprends pas vraiment ce qu'il s'est passé. C'était un garçon altruiste. Il souffrait de voir la pauvreté dans le monde, et je pense qu'il a pu s'approprier en partie la douleur des autres, leur misère. Il a pu ressentir une sorte de culpabilité d'avoir une vie plus confortable. Cela a pu l'amener à vouloir aider. Et comme il a fait de mauvaises rencontres, il s'est engagé dans cette voie funeste.»

Tout parent peut vouloir excuser son enfant. Est-ce votre cas?

«Je ne cherche pas à disculper Quentin. Il a sa part de responsabilité dans le parcours qui l'a mené en Syrie. Par contre, il ne s'est pas mis dans cette situation tout seul. Quentin était un garçon très casanier, peu attiré par le risque. Il n'a jamais campé, alors imaginez-le partir à la guerre… Il a croisé des personnes qui l'ont accompagné et poussé dans sa radicalisation.»

 

Vous cherchez encore les responsables, ceux qui l'ont fait basculer dans l'intégrisme?

«Avec mon mari, on s'est fait une raison: on ne connaîtra pas tout ce qui a mené à cette situation. Toutefois, nous tentons d'être reconnus partie civile dans le procès qui doit s'ouvrir d'un des garçons qui l'a recruté. Cette personne est venue chez nous après la mort de Quentin. Elle nous a assuré ne rien savoir, si ce n'est qu'il était parti ‘apprendre l'arabe en Égypte'. Mais depuis, on a appris qu'il l'avait accompagné à l'aéroport, que Quentin pleurait. Quentin savait donc où il partait, et ce garçon le savait aussi.»

Que ressentez-vous aujourd'hui?

«Je veux que ceux qui l'ont embrigadé rendent des comptes. Du reste, je ressens aussi une certaine forme de soulagement. Ça peut sembler dur de dire cela. Mais je sais que Quentin, en Syrie, souffrait à cause de ce qu'il faisait. Sa mort a mis un terme à cette souffrance. Elle a aussi mis un terme à la souffrance que nous ressentions, nous, ses parents, de le savoir là-bas.»

Le récit d'une radicalisation

Véronique Roy a décidé de raconter le drame de la radicalisation de son fils dans un livre, "Quentin, qu'ont-ils fait de toi". Elle raconte dans ce livre comment la vie de toute une famille peut basculer. On y découvre une mère meurtrie, mais surtout une «madame tout le monde» qui rappelle que personne n'est à l'abri d'un tel drame. Mais ce qu'elle met en avant plus que tout, c'est le manque de soutien face à une telle épreuve. On lit dans ses propos le regret de ne pas avoir trouvé à temps une personne, un service, capable d'aider la famille à récupérer le jeune Quentin.

« Quentin, qu'ont-ils fait de toi ? », Robert Laffont, 19€