La Belgique mal préparée face à une catastrophe nucléaire

Alors que le Japon entend lever fin mars l'ordre d'évacuation de la région d'Iitate pourtant encore irradiée par la catastrophe de Fukushima de 2011, Greenpeace charge le plan d'urgence belge, «en totale inadéquation avec la réalité».
par
Gaetan
Temps de lecture 3 min.

Dans son rapport «No Return to Normal», Greenpeace rue doublement dans les brancards. D'abord dans ceux du gouvernement japonais qui sous-estime les niveaux de radiations à Iitate (située à 35km de Fukushima) «qui présentent d'importants risques pour la santé humaine». Ensuite, dans ceux du gouvernement belge dont le plan d'urgence nucléaire -présenté en janvier- est «inadéquat et incomplet». «La situation à Iitate montre à quel point la zone d'évacuation d'urgence de 10 km actuellement sur la table du plan belge est inadéquate», relève l'expert nucléaire de l'organisation environnementale Eloi Glorieux qui recommande une zone de 30 à 50km.

Le scientifique fustige le manque de préparation «totalement aberrant» de l'État belge en dehors de ces 10 km. «Dans ce genre de cas, il n'y a pas de place à l'improvisation. Une telle catastrophe toucherait dix fois de gens en Belgique. Quand on évalue l'évacuation de 30km à la ronde autour de Doel ou Tihange, ce sont 1,5 million et plus 800.000 personnes qu'il faudrait déplacer, loger, nourrir,etc.

Les auteurs de ce plan d'urgence admettent qu'une telle préparation est trop complexe et qu'elle impliquerait trop de moyens financiers», déplore-t-il jugeant «inacceptable que les autorités se refusent à envisager le pire alors qu'elles décident de prolonger l'utilisation de réacteurs bientôt obsolètes dont la sécurité optimale n'est pas garantie».

«Enfin, Fukushima est située au bord de l'eau et 80% des radiations ont été absorbées par l'océan Pacifique grâce à son énorme capacité de dilution». Une «chance», alerte l'ONG qui prévient qu'«avec Doel ou Tihange, la concentration de ces substances qui retomberaient uniquement sur le sol sera beaucoup plus importante».

L'organisation demande dès lors aux ministres de l'Intérieur Jan Jambon et de l'Énergie Marie-Christine Marghem d'actualiser ce plan «pour ne plus seulement défendre les intérêts de l'industrie nucléaire aux dépens de ceux de leurs citoyens».

Quel scénario en cas d'accident?

En cas d'accident nucléaire, le plan d'urgence détaille point par point la procédure que les autorités fédérales et régionales devront déployer. Dans les grandes lignes, l'opérateur de la centrale où l'accident est constaté doit notifier à la cellule de crise, donc l'Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN), que des substances radioactives peuvent s'échapper d'un réacteur. Les autorités régionales doivent alors directement avertir la population, leur demandant de rester chez à domicile. Et elles doivent entreprendre dans la foulée une évacuation d'une zone de 3,5km autour de l'accident même sans en connaître tous les paramètres (vents, météo, etc.) Ensuite, la cellule de crise composée de météorologues, radiologues et d'experts en tous genres doit évaluer la situation. L'évacuation préventive d'une zone de 20 ou de 30km est alors envisagée, nous explique Eloi Glorieux.

Iode pour tous

Jusqu'ici réservées aux habitants des communes se situant à 20km des sites à risques, des pilules d'iode seront distribuées gratuitement à tous les Belges en 2017. Le gouvernement a suivi l'avis du Conseil supérieur de la Santé qui suggérait d'étendre cette mesure à 100km autour des réacteurs nucléaires, ce qui revenait à fournir tout le territoire belge. Les pastilles d'iode permettent de limiter le risque de développer un cancer de la thyroïde après une catastrophe nucléaire.

«La fin du nucléaire a été votée en 2003»

Pour Eloi Glorieux, il est urgent que le gouvernement acte et prépare la sortie du nucléaire, décidée en 1999 et déjà votée en 2003.

La Belgique peut-elle se passer du nucléaire?

«Il n'y a que la moitié des pays européens qui utilisent le nucléaire. Et ceux qui le font, à part la France, le font beaucoup moins que la Belgique. Pourquoi notre pays ne pourrait-il pas s'en passer? Par exemple, l'Allemagne -qui a décidé de fermer tous ses réacteurs en 2022 (soit 3 ans plus tôt que la Belgique)- a tout de suite fermé sept réacteurs après l'épisode de Fukushima.»

Pourquoi la transition vers des énergies alternatives tarde-t-elle?

«En Belgique, les sept réacteurs fournissent entre 50 et 55% de notre électricité. Donc s'il n'y a pas de plan pour une sortie du nucléaire, on se trouvera dans une situation de fait accompli. On reproche à Christine Marghem de ne pas élaborer un pacte énergétique, pourtant acté dans la déclaration gouvernementale qui prévoit une sortie du nucléaire en 2025.»

Aucun progrès n'a-t-il été réalisé?

«Oui, les énergies renouvelables progressent mais c'est loin d'être suffisant. Il faut le rappeler, la première décision de sortir du nucléaire a été prise par le gouvernement arc-en-ciel (PS, MR, Ecolo, VLD, SPA, Groen) en 1999. Et c'est en 2003 qu'a été votée la loi qui prévoit la fermeture des centrales après 40 ans d'exploitation. Si en 2025, nous n'y sommes toujours pas arrivés, en un quart de siècle, cela reflète un manque de volonté politique. Et puis, soyons honnêtes: il y a aussi une réticence de la population. L'éolien, c'est bien mais pas dans son jardin…

 

Gaëtan Gras