André Remy pour ‘Sois Belge et tais-toi': Quand les politikônes sont à la Une de l'actualité

par
Maite
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Plus besoin de présenter le spectacle ‘Sois belge et tais-toi'! Depuis plus de 19 ans, il nous offre un décryptage de l'actualité à nous faire rire aux larmes. Et cette année encore, le spectacle ne déroge pas à la règle. Au programme : le traitement médiatique anxiogène des attentats, les retards à la SNCB, l'Inami, le CETA… et j'en passe! Bref, un super moment à passer en famille ou entre amis, grâce notamment à son fondateur, André Remy.

À chaque édition, vous brossez l'actualité de l'année. Impossible de tout commenter, je présume. Comment effectuez-vous vos choix?

«Oh ça! (rires). Nous avons des critères. On regarde ce qu'il y a vraiment d'actualité, et ce qui intéresse le public belge, le grand public. Et même comme cela, je trouve que nous sommes parfois déjà trop exigeants sur les connaissances à avoir en politique pour comprendre ce que l'on raconte. Il faut faire attention au sens inverse aussi. Il ne faut pas tomber dans les blagues faciles. Ou alors s'il y a des blagues faciles, il faut faire un clin d'œil. C'est très important les clins d'œil, cela montre qu'on est complices. On montre que l'on sait que ce n'est pas bien, que l'on pourrait faire mieux. Mais c'est bon aussi d'être potache pendant quelques minutes.»

Face à un public si varié, vous devez aussi avoir le bon ton pour tout le monde.

«Dès que l'on respecte les gens, il y a un bon ton. Même dans un humour un peu mordant. J'aime l'ironie. Pourtant, cela peut être féroce. Mais l'ironie par rapport à ce que nous vivons, c'est quoi? C'est de feindre de rentrer dans le jeu de l'adversaire. C'est de faire semblant qu'on aime bien de Wever, ce pauvre petit qui, enfant, allait avec son grand-père manifester en le tenant par la main pour ne pas se perdre (rires). Là, nous sommes dans l'ironie. C'est Voltaire! Il faut regarder à quel endroit mettre le curseur, et ça, c'est une question de personnalité.»

Notre avis

Même s'ils ne changeront pas le monde, comme ils le soulignent dès le début du spectacle, les politikônes de ‘Sois belge et tais-toi' nous offrent, en tout cas, une bonne tranche de rigolade. Personne n'est épargné: politiques, journalistes, militaires… en prennent tous pour leur grade et sont la cible des textes bien piquants et humoristiques d'André et de Baudouin Remy. Cette année, les auteurs ont choisi comme fil rouge le traitement médiatique des attentats et les nombreuses éditions spéciales qui ont envahi nos écrans de télévision durant des heures et des heures. Les jihadistes sont devenus les Daechiens, Paul Magnette ‘Monsieur Non', Jacqueline Galant revendique aux côtés des syndicats, etc. Sans oublier des invités qui font plaisir à voir comme notamment Olivier Leborgne, les Frères Taloche et... la reine d'Angleterre ! Vous l'aurez compris, nous avons passé un très bon moment. Alors, si vous n'avez pas encore vos places, ne traînez plus!

 

L'année prochaine, ‘Sois belge et tais-toi' fête ses 20 ans. Prévoyez-vous quelque chose de spécial pour fêter cet événement?

«Nous n'avons pas encore réfléchi. Mais j'espère qu'on fera un retour en arrière sur les grands moments qui se sont déroulés les précédentes années. On pourrait juste changer les noms. Car au final, on est continuellement dans le même processus. Je le dis même dans une chanson! C'est fou de voir que les gouvernements de maintenant ressemblent à ceux d'il y a 20 ans.»

Dans cette nouvelle édition, vous vous retrouvez un moment seul en scène. Le texte que vous déclamez sonne comme un hommage à toutes ces années passées sur les planches, voire un adieu. Était-ce important pour vous d'expliquer pourquoi vous montez encore sur scène?

«Ce n'est, en tout cas, pas un adieu. Ce texte a été écrit il y a deux ans. Quand on arrive à mon âge, les gens vous demandent tout le temps si vous allez continuer. Alors, j'ai voulu expliquer pourquoi je continuais. Mais cela peut être la dernière fois. À mon âge, je n'exclus rien. Parfois, je me dis que je vais m'arrêter pour faire autre chose. Mais pas pour ne rien faire. Ça, sûrement pas! J'écrirai toujours pour ‘Sois belge et tais-toi'!»

Surtout pour les 20 ans, non?

«Oui, je me dois de participer à cette édition! Ça serait dommage de tout quitter juste avant. Je vais voir comment cela se passe sur scène cette année. J'explique dans le texte dont on parlait précédemment le plaisir que j'ai de monter sur scène. J'ai toujours eu besoin de communiquer avec les autres par le rire. Depuis de la mort de ma mère quand j'avais enfant, j'ai toujours voulu surmonter les difficultés par le rire. C'est dans ma nature d'être souriant avec les autres. La bonne humeur, la tendresse et la gentillesse sont essentielles. Et mon métier me permet ça. Les gens viennent vers vous.»

Le rire vous a-t-il donc permis de surmonter les durs momentsde votre vie?

«Il ne permet pas de tout surmonter, mais il aide dans beaucoup de situations. En tout cas, si ce n'est pas le rire, c'est le sourire. Le sourire peut être triste parfois. Il y a un texte de Rabelais intitulé ‘Entre le rire et les larmes'. Quand on rit très fort, on pleure d'ailleurs. Et vous avez même déjà eu des crises de larmes qui se transforment en rire.»

Dans ‘Sois belge et tais-toi', vous riez des politiciens, des journalistes, des militaires en rue, etc. Mais peut-on réellement rire de tout?

«J'ai lu, il n'y a pas longtemps, un article qui disait qu'on ne pouvait pas rire de tout. Personnellement, j'ai des limites. Par exemple, en politique, je trouve qu'il y a des limites qui ont été franchies dernièrement. Aujourd'hui, on voit des humoristes dans beaucoup d'émissions. Il y en a toujours eu, comme des chansonniers, mais pas autant que maintenant. Aujourd'hui, on a découvert que cela marchait bien. Un philosophe disait qu'à force de dénigrer notre système politique, on finira par faire du tort à la démocratie. Par contre, je suis d'avis qu'il faut critiquer la non-démocratie. Je prends pour exemple l'histoire du visa d'une famille syrienne. Là on nie les lois démocratiques. Alors oui, ici, on a le droit de rire, de se moquer. Mais, moi, je me retiendrai de rire de la misère et de la tristesse des autres.»

Vous trouvez qu'il y a trop d'humoristes sur les plateaux?

«On ne sait plus faire d'émissions sans mettre un humoriste. Aujourd'hui, même les journalistes doivent faire leur petit numéro de clown. Parfois, c'est bienvenu. Parfois, pas. C'est comme tout: quand il y en a trop….»