La couturière française Sonia Rykiel est décédée

La couturière française et fondatrice de la Maison de couture du même nom, Sonia Rykiel, est décédée jeudi à l'âge de 86 ans des suites de la maladie de Parkinson. La fille de "la Reine du Tricot", Nathalie, a annoncé aujourd'hui la nouvelle à l'AFP.
par
Laura
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"Ma mère est décédée cette nuit à Paris, chez elle, à 5 heures du matin, des suites de la maladie de Parkinson", maladie qu'elle avait évoquée dans un livre en 2012, a déclaré Nathalie Rykiel, elle aussi femme de mode.

Un succès rapide

Figure familière de Saint-Germain-des-Prés où elle avait établi sa principale boutique, l'inventrice de la "démode", née Sonia Flis à Paris le 25 mai 1930, avait débuté dans la mode par hasard.

Née dans un milieu aisé et cultivé, d'un père français et d'une mère roumaine, cette aînée de cinq filles connaît le parcours classique d'une jeune fille de bonne famille. Elle fréquente un cours secondaire pour jeunes filles à Neuilly (Hauts-de-Seine), se marie et n'a qu'un rêve: avoir dix enfants. Mais, une fois enceinte, elle ne trouve pas de vêtements à son goût. Elle crée donc des robes pour future maman mais aussi des petits pulls moulants qui sont vendus dans la boutique de son mari, dans le XIVe arrondissement de Paris. Le succès est rapide, le pull fait la couverture du magazine féminin Elle et les femmes se l'arrachent.

Une mode loin des tendances

Six ans plus tard, en plein Mai 68, Sonia Rykiel ouvre sa première boutique, dans le Quartier latin. Elle ne connaît rien à la mode, ne sait ni coudre ni tricoter, et est assaillie de doutes. "Tous les jours je me disais: 'je vais fermer, parce que je ne sais pas ce que je vais faire, je ne sais pas du tout'", confiera-t-elle bien des années plus tard.  La jeune femme met quelques vêtements en vitrine, en les accompagnant curieusement de livres. "Je n'ai jamais pu démêler la littérature de la mode, ça fait partie de la même histoire", explique cette amoureuse des mots qui s'amuse à en inscrire sur ses pulls ("amour", "artiste", "sexe"...) comme de petits manifestes.

Après avoir hésité pendant près de dix ans, Sonia Rykiel décide finalement de rester dans la mode. Une mode loin des tendances, qu'elle conçoit pour une femme active, intéressée par la marche du monde, "plutôt une intello", libre comme ces femmes qui, dans les années 70, viennent de jeter leur soutien-gorge aux orties et de proclamer haut et fort que leur corps leur appartient.

"La démode"

La créatrice privilégie la maille "pour la tendresse, la douceur", le velours, la dentelle. Elle lance les coutures à l'envers, le "pas d'ourlet", le "pas doublé". Elle fait du noir la couleur de la féminité et de la séduction, et strie ses célèbres pulls de rayures multicolores. Des motifs ou des mots en strass brillent sur ses vêtements caressants qui dessinent une silhouette fluide, toute en souplesse.

Sonia Rykiel préconise "la démode", invitant chaque femme à refuser les diktats des créateurs pour créer sa propre garde-robe, adaptée à son corps et à sa personnalité. Parallèlement à la mode, cette séductrice qui aime mentir, cette hédoniste qui apprécie le chocolat, le vin et les cigares, se consacre à l'écriture.

Sur tous les fronts

Sonia Rykiel, qui compte de nombreux écrivains parmi ses amis, notamment une autre célèbre rousse, Régine Deforges, a publié une dizaine de livres. Elle a notamment signé un recueil de contes écrits pour ses petites-filles, "Tatiana, Acacia" (1993) et "N'oubliez pas que je joue", où elle se livre sur sa maladie de Parkinson (2012).

Elle qui n'avait jamais pensé travailler aura finalement consacré sa vie à la mode en ayant mal au ventre d'angoisse à chaque collection comme si c'était la première. Elle avait développé sa marque en créant plusieurs lignes de prêt-à-porter, des parfums, des accessoires.

Elle a "offert aux femmes une liberté de mouvement"

L'affaire est toujours restée familiale. Son "clan" lui était indispensable et elle s'était entourée de ses proches --sa soeur Danièle et surtout sa fille Nathalie, actuelle directrice artistique et présidente de la griffe, qui travaille avec elle depuis les années 80. Elle avait aussi un fils, Jean-Philippe, musicien.

En novembre 2013, entourée de sa famille, elle avait reçu des mains de François Hollande les insignes de Grand Officier de l'Ordre National du Mérite. "Elle a inventé non seulement une mode, mais aussi une attitude, une façon de vivre et d'être, et offert aux femmes une liberté de mouvement", a salué jeudi le président de la République.