Il y a 70 ans naissait le journal Tintin

Le 26 septembre 1946, paraît le premier numéro de ce qui restera comme « le journal des jeunes de 7 à 77 ans » et reviendra en kiosques tous les jeudis jusqu'en 1988. Le journal Tintin permettra pendant toute son existence l'éclosion d'une extraordinaire manne de talents qui aujourd'hui figurent au panthéon du 9e art. Une copieuse anthologie nous le rappelle.
par
Nicolas
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Il y a 70 ans, les jeunes Belges découvraient en kiosque un nouveau périodique de bande dessinée. Son titre et héros principal sont déjà bien connus des lecteurs.

Le journal est le fruit de la rencontre de deux hommes: Raymond Leblanc, homme d'affaires au flair certain, sent qu'il peut capitaliser sur le succès de Hergé, mais surtout de son héros.

Divertir sans ennuyer

À deux, ils décident de lancer une hebdomadaire pour la jeunesse. Hergé en sera le directeur artistique pendant de nombreuses années.

«Hergé et Raymond Leblanc avaient pour idée de divertir sans ennuyer et sans être solennel», nous explique Philippe Goddin, auteur d'une histoire du journal Tintin et biographe du père du reporter à la houppe. «Il fallait être moral sans le dire.» Les éditions du Lombard (du nom de la rue où s'installent ses bureaux aujourd'hui à la gare du Midi) naîtront logiquement notamment pour la publication en albums des histoires nées dans les pages de l'hebdomadaire.

Blake & Mortimer, Alix, Ric Hochet, Corentin, Chick Bill, Thorgal, Modeste & Pompon… Ils sont tous nés dans les pages du journal Tintin des crayons de Jacobs, Martin, Tibet, Greg, Cuvelier, Graton, ou encore Franquin qui fera ici une brève infidélité à Dupuis.

Concurrent de Spirou (apparu en 1938), Tintin n'échappera pas longtemps à la comparaison. Pour certains, les deux écoles, la bruxelloise et la carolorégienne, s'opposent par leur ton: la franche rigolade à Marcinelle, le réalisme et le sérieux au Lombard. «C'est une comparaison un peu caricaturale. Il y avait de l'humour dans Tintin et des récits réalistes dans Spirou. Je trouve exagérée cette comparaison.»

L'âge d'or Greg

Chaque journal a connu ses hauts et ses bas. Mais s'il est une période que beaucoup de lecteurs n'oublient pas, c'est celle de la direction de Greg. De 1965 à 1974, le scénariste aux séries multiples sera à l'origine d'un âge d'or. Dessinateur au studio Greg dès 1965, Herrman se souvient de son arrivée dans la famille Tintin: «À cette époque, c'était le rêve. Greg m'avait séduit par son esprit et son humour. » Selon Philippe Goddin, «Greg a donné un sacré coup de pied dans la fourmilière» en amenant de nouveaux auteurs (Vance, Paape, Derib, etc.). «Greg a apporté un élément-charnière en amenant des histoires un peu plus musclées nourries par le cinéma», ajoute Hermann qui dessinera Bernard Prince ou Comanche notamment. «Mon scénariste Greg était plus proche de l'esprit Tintin. J'aspirais de voir dans la bande dessinée une manière de voir les choses traitées avec plus de vérité. Je voulais qu'une balle tirée fasse mal.»

L'anthologie de 777 (sic) pages qui paraît nous rappelle ô combien ces personnages font partie de l'Histoire de la bande dessinée et ont révélé des auteurs considérés toujours aujourd'hui comme des références parmi les plus jeunes générations. Y jeter un coup d'œil ravivra autant les souvenirs que les surprises. L'histoire de Tintin, disparu pour diverses raisons en 1988, est telle une carte aux trésors multiples.

Nicolas Naizy

«La grande aventure du journal Tintin. 1945-1988», éditions Moulinsart/Le Lombard, 777 pages, 49 €