Pouvoir choisir son genre sans contrainte

par
Nicolas
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Homme ou femme, que choisir ? Et pourquoi choisir absolument entre ces deux options ? Notre société peine encore détacher le genre du sexe. Pendant un mois, le PrideFestival focalisera l'attention sur les personnes trans* et militera pour le respect de leurs droits et de leurs choix.

Hier, le ministre bruxellois des Transports Pascal Smet annonçait que la Stib autoriserait sur ses cartes Mobib un prénom différent de celui figurant sur la carte d'identité. La société de transports en commun entend ainsi entendre une revendication des personnes transgenres, et compte proposer cette mesure à toutes les sociétés de transport public en Belgique. Le ministre avait chargé la Stib de trouver une solution face à la situation inconfortable actuelle de ce public, notamment lors des contrôles. Jusqu'ici, seules les données inscrites sur la carte d'identité pouvaient être prises en compte.

Ph. Quentin Houdas

Car notre genre y est clairement indiqué par la lettre M ou F. Rien n'existe en dehors de ces deux possibilités, ce que regrettent les organisations de la diversité rassemblées sous les coupoles RainbowHouse Brussels, Arc-en-ciel Wallonie et leur pendant flamand Çavaria. "Dans notre société, on ne peut pas revendiquer un genre autre qu'homme ou femme. Des personnes ne se retrouvent pas dans ce choix binaire. Et c'est un véritable parcours du combattant quand on veut changer de genre", nous explique François Massoz-Fouillien, porte-parole de la RainbowHouse Brussels, qui coordonne le PrideFestival. Dès mercredi et pendant un mois, l'événement culturel et festif portera le message "I decide, ik beslis, je décide". Il plaide le respect du choix des personnes transgenres et la fin d'une législation "qui certes reconnaît la diversité des genres", admet notre interlocuteur, "mais qui, en aval, s'avère très contraignante et violente pour les personnes trans*.

Ceci n'est pas une maladie

Le texte "relatif à la transexualité", voté en 2007 -et à la dénomination déjà très critiquée-, doit être revu en profondeur, demande l'associatif. "La loi actuelle formalise très mal le changement de genre sur les papiers d'identité en le soumettant à des conditions inhumaines et dégradantes", explique Max Nisol, psychologue et membre fondateur de l'association Genres Pluriels. "Le noyau de la discrimination, c'est la psychiatrisation." En clair, si vous décidez de changer votre nom féminin en nom masculin -ou vice-versa-, il vous faudra passer chez un psychiatre qui diagnostiquera un trouble mental. En d'autres termes, on ne peut changer de genre que si on est reconnu malade. Cette médicalisation forcée irrite fortement les associations de défense des droits des personnes aux genres fluides, transgenres et intersexués, qui parle de discrimination. "On pointe souvent la stérilisation (autre condition pour changer officiellement de genre, ndlr). D'autres pays comme l'Espagne et les Pays-Bas ont supprimé la stérilisation mais pas la psychiatrisation", développe Max Nisol. En pratique, ce "prérequis" psychiatrique conditionne l'accès aux soins et présente un risque pour cette personne dans sa vie personnelle mais aussi professionnelle.

Ph. Samra Habib

"Le texte de 2007 ne légifère pas sur les remboursements des soins, sur l'accompagnement des mineurs dans leur parcours et sur la sensibilisation du monde médical à ces questions." Des manques que Genres Pluriels aimerait pallier avec un nouveau texte de loi co-écrit avec des experts et d'autres associations. Cette proposition visera avant tout à ne plus conditionner du tout la modification du genre.

Tous concernés

"La question trans donne souvent le sentiment d'être confiné à une petite minorité. Mais elle concerne tout le monde car englobe la manière dont la société se représente les genres. Est-ce que les hommes et les femmes sont à l'aise avec tous les stéréotypes les concernant et véhiculés par la publicité et les médias ?", questionne François Massoz-Fouillien. "Reconnaître le droit d'être ce que l'on veut, c'est refuser de catégoriser des personnes et finalement rendre service à tout le monde." Et nos interlocuteurs de nous rappeler les incalculables aspects "genrés" de notre société : une confusion des notions de sexe et de genre, un numéro national pair pour les femmes et impair pour les hommes, des remboursements de soins différenciés (notamment pour le cancer du sein), etc. La Belgique qui a souvent fait preuve d'avant-garde dans la reconnaissance des minorités sur le genre doit encore prouver que tous ses citoyens méritent à ses yeux un même traitement.

Une question "trans-versale" pour un mois de festival

Ph. Samra Habib

Le PrideFestival 2016 propose un joli programme. La célèbre Pride traversera le centre-ville le samedi 14 mai avec son lot de chars colorés, associatifs et revendicatifs. Mais le festival inauguré aujourd'hui et programmé jusqu'au 28 mai propose bien plus. Avec son exposition, le photographe Quentin Houdas viendra bouleverser une géographie stéréotypée des genres, lui qui a promené son objectif sous bien des latitudes pour explorer les identités multiples. Samra Habib a capturé quant à elle les témoignages des musulmans et musulmanes gays, lesbiennes et transgenres aux quatre coins du monde et viendra poursuive son travail à Bruxelles. Les photos de ces deux artistes illustrent cet article. La question trans* mais aussi la sex positivity feront l'objet de conférences et d'ateliers. Et pourquoi ne pas redécouvrir la ville sous un œil LGBTQI lors d'une promenade particulière le 1er mai ? Du cinéma, il y en aura, avec une série de films de fiction et de documentaires à l'occasion des 15 ans du Pink Screens au Cinéma Nova du 26 au 28 mai.

Nicolas Naizy

Crédits photo : Quentin Houdas et Samra Habib