Les classes moyennes sur le déclin, la Belgique résiste

par
Camille
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La classe moyenne est menacée. On le présentait depuis un moment, du fait de la montée des inégalités. C'est désormais un fait confirmé. Un rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT) évoque une «contraction» des revenus intermédiaires (60 à 200% du salaire médian) au cours des dix dernières années. «La crise économique et financière a gravement affecté les catégories à revenu intermédiaire», note l'OIT. «Presque tous les pays de l'UE ont connu une diminution de la taille de leur classe moyennent et de la part du revenu total alloué à cette catégorie.» La Belgique fait toutefois exception: grâce à sa sécurité sociale, le pays dispose d'une classe moyenne «stable et prospère» (voir ci-dessous).

Menaces sur la croissance

Quelle conséquence peut avoir ce déclassement de la population européenne? «Une classe moyenne affaiblie entraîne une baisse de la demande globale, freine la croissance à long terme et peut engendrer de l'instabilité sociale et politique», prévient Daniel Vaughan-Whitehead, l'un des auteurs du rapport. Il se préoccupe d'autant plus de cette tendance que le taux de chômage particulièrement élevé chez les jeunes pourrait «amoindrir leurs chances de faire partie de la classe moyenne», et «créer un fossé entre les générations».

Car alors que de nombreux jeunes voient leurs chances d'intégrer la classe moyenne se réduire, les travailleurs plus âgés (55-64 ans) prolongent leurs carrières. Leur taux d'emploi est passé de 38,4% en 2002 à 51,8% en 2014 (en Europe). Cette tendance découle de l'allongement légal des carrières, mais aussi d'un besoin de ces travailleurs de préserver leur appartenance à la classe moyenne, note l'OIT. Cette tendance à la prolongation des carrières est d'autant plus marquée que certaines professions, traditionnellement représentatives de la classe moyenne (employés de la fonction publique, notamment), se voient de plus en plus souvent exclure de la catégorie des revenus intermédiaire.

Les femmes plus touchées

La croissance de la classe moyenne, au cours des années 1980/90, avait été rendue possible par l'arrivée sur le marché de l'emploi de nombreuses femmes, faisant ainsi bénéficier leur ménage d'un second revenu. Cette participation a été remise en question au cours des dernières années. L'OIT explique cette tendance par la réduction de la qualité et de l'offre de services publics, comme la garde d'enfants. Le secteur public, mis sous pression par les contraintes budgétaires, n'est plus une source majeure d'emploi pour elles, note également l'OIT. Le retour à des ménages ne disposant que d'un seul revenu a ainsi eu un impact sur le nombre de foyers de la classe moyenne.

Les auteurs du rapport mettent en évidence le besoin de prendre des mesures pour les classes moyennes afin de réduire les inégalités. «Ces initiatives devraient s'adresser au monde du travail, mais également prendre en compte des domaines proches comme la fiscalité, l'éducation et la protection sociale», conclut Heinz Koller, directeur de l'OIT pour l'Europe.

La Belgique protégée par son système social

Le rapport de l'Organisation international du travail relatif à l'érosion de la classe moyenne s'est penché sur le cas de la Belgique. Celle-ci a été relativement préservée, note l'OIT. La classe moyenne représente encore 35% de la population, soit bien plus que les 23% de la Lettonie ou les 25% de la Grèce, ou les 26% du Royaume-Uni.

Le niveau de vie et la consommation des revenus intermédiaires de Belgique ont été relativement peu affectés par la crise de 2008. L'OIT note le rôle des stabilisateurs automatiques (sécurité sociale, chômage partiel, indexation des salaires…) dans la préservation des conditions de vie dans le pays. Cette situation est également liée au modèle de concertation sociale. «Les partenaires sociaux jouent un rôle important et stabilisateur», constatent les auteurs du rapport de l'OIT.

Le rapport pointe néanmoins des déséquilibres de nature ethnique. Les foyers de personnes d'origine étrangère sont ainsi moins bien intégrés sur le marché de l'emploi, et disposent de revenus moindres. Plus de deux tiers des personnes d'origine étrangères (68%) se classent ainsi dans les revenus inférieurs, contre seulement 25% des natifs.