Diversité : Les discours de haine de plus en plus présents dans l'espace public

par
Maite
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Les dossiers relatifs aux discours de haine (incitation à la haine et délits de haine) n'ont jamais été aussi nombreux. Ils ont représenté, en 2015, près de 30% du total des dossiers ouverts par Unia, le centre interfédéral pour l'égalité des chances. «Le racisme, l'homophobie, le rejet de l'autre s'expriment aujourd'hui davantage et plus librement dans l'espace public», constate Unia.

Depuis 2010, Unia observe une augmentation constante des dossiers liés à «l'incitation à la haine» et les «délits de haine». «La proportion de dossiers relatifs aux discours de haine est en nette augmentation depuis 2010», observe Patrick Charlier, directeur de l'Unia. En 2015, Unia a enregistré 404 dossiers «incitation», contre 338 en 2010. En ce qui concerne les dossiers liés aux délits de haine, ils ont quasiment doublé. Ils sont passés de 48 en 2010 à 84 en 2015.

«Un des constats principaux de notre étude est qu'il y a également une hausse importante de dossiers liés aux critères religieux ou philosophiques», met en avant le directeur du centre. En effet, en 2010, Unia a ouvert 185 dossiers «convictions» et 330 dossiers en 2015, soit une augmentation de 78%. «On peut notamment expliquer cette tendance suite à une hausse de l'islamophobie dans notre société», continue Patrick Charlier, tout en soulignant que «les collaborations étroites avec des associations pro-actives dans ce genre de dossiers constituent une autre raison».

Un glissement du racisme

A contrario, Unia constate une baisse des cas de discrimination en raison de critères dits «raciaux», bien que ce critère de discrimination reste toujours le numéro 1. «Ce constat est à mettre en relation avec l'augmentation des cas 'convictions'. Ce phénomène n'est pas nouveau, il ne fait que se confirmer», explique le directeur. «Les discours ou comportements racistes qui avaient trait aux origines ou à la couleur de la peau se sont glissés vers du racisme plus ethnoculturel. La figure du musulman a tendance à remplacer la figure du Maghrébin.» Toutefois, Patrick Charlier insiste: «Nous ne sommes pas purement dans des discours concernant les convictions religieuses lorsque l'on parle par exemple du 'musulman'. La représentation que l'on s'en fait est celle d'un Maghrébin et non d'un musulman converti ou venant d'Indonésie par exemple.» Le directeur parle alors d'un amalgame. «Ce sont, ce que j'appelle, les trois M: migrants, maghrébins et musulmans.» Par ailleurs, d'après les chiffres fournis par Unia, parmi les dossiers concernant les discriminations liées aux convictions religieuses, ce sont les personnes de confessions musulmanes qui sont les plus touchées, puisqu'elles représentent 93% des dossiers ouverts en 2015.

Tout en restant prudent sur la question, il est possible d'établir un lien entre la hausse des dossiers liés aux critères religieux ou philosophiques et l'actualité. «Le lien existe mais n'est pas automatique», explique le directeur du centre. «L'actualité de 2015 a été marquée par les attentats de Charlie Hebdo, de l'Hyper casher et du 13 novembre a eu une influence. Nous ne l'avons pas constatée sur le nombre de signalements et de dossiers mais sur l'aggravation du type de propos. Les insultes ont notamment fait place aux appels aux meurtres», développe-t-il. «De plus, l'arrivée des migrants a eu comme conséquence le retour des propos xénophobes

Une bonne nouvelle toutefois: les signalements liés à l'antisémitisme sont en diminution, 57 signalements en 2015 au lieu de 130 en 2014.

Le handicap, le 2e critère important

Les dossiers ouverts en raison d'un handicap sont aussi en constante augmentation ces dernières années (de 286 dossiers en 2013 à 384 en 2015). «Nous avons un gros contentieux qui concerne le handicap avec des problèmes de discriminations, d'accessibilité, etc.» Ce qui pose question est essentiellement l'accès aux biens et services. Cela concerne notamment les transports, l'accès à des lieux publics mais également tout ce qui a trait aux banques et assurances. «L'octroi d'un crédit est plus compliqué car leur handicap est considéré comme un facteur de risque», explique Patrick Charlier. Unia pointe également la problématique de la discrimination à l'emploi dans le secteur public. «Le secteur public a fixé des objectifs chiffrés qui ne sont pas atteints», s'indigne le directeur. «En 2015, d'après une commission qui a examiné la participation des personnes handicapées dans la fonction publique, le pourcentage est en diminution. Ce qui prouve que nous ne sommes pas sur le bon chemin», conclut Patrick Charlier.