Au théâtre cette semaine – le 11 décembre 2015

Spartakis
par
Nicolas
Temps de lecture 1 min.

Ph. D. R.

Après le Parc et son Fantômas, la comédie new-yorkaise de la Comédie de Bruxelles, voici venu d'autres habitués des spectacles de fin d'année : le Magic Land Théâtre.

La bande à Patrick Chaboud (avec les habitués Thomas Lincx, David Notebaert,... ) a l'art de s'emparer d'un univers très précis, ici la science-fiction, et de le passer à la moulinette de son humour absurde. Et quand on peut y ajouter une allusion, même légère, à l'actualité, ça fait d'autant plus rire le public qui en redemande.

À bord de l'Antarctica, la crème de la crème des Terriens est emmenée par une chancelière ambitieuse (Sophie D'Hondt) à la recherche d'une nouvelle planète à coloniser. Ces membres d'un empire helvético-germanique, dirigé par un étrange et masqué dictateur en robe de bure, ne semblent pas craindre la prophétie du mythique Spartakis, dernier des Grecs endettés. Mais ce dernier serait-il à bord de cet arche interstellaire ? Ce 'pitch' vous fait curieusement pensé à une récente actualité ? C'est normal et voulu...

Ph. D. R.

Droïde et androïde (Bénédicte Philippon très drôle et Bruce Ellison très en voix), plan machiavélique d'un scientifique fou (Xa), drame passionné ajouté à une dose de calembours servis à la mitraillette (laser ?) et un certain kitsch du décor et des costumes font de « Spartakis » un Star Wars presque non-sense. Le spectacle n'hésite aucune sortie de route que ce soit dans l'humour et dans le jeu. On frôle la comédie musicale avec des numéros chantés tout aussi dingos. Bon, ne vous attendez pas à une réflexion profonde sur la crise de la dette souveraine en Europe, le propos n'est pas là. L'objectif n'est ici que ludique et humoristique. Et ça marche, à entendre les rires ininterrompus de la riche assemblée dans ce lieu qui joue à fond la carte de la convivialité. Mais est-il nécessaire de tourner dans la sauce pendant 2h30 ? Ce sera notre principal bémol.

L'humour du Magic Land, on y accroche ou pas. Les occupants de ce petit théâtre bricolé entre la place Liedts et la rue d'Arschot (sic) n'ont toujours eu que faire de toute façon des modes et des tendances théâtrales. On sent l'envie de jouer ensemble et d'inclure dans la partie un public fidèle.

Espejo

On passe à tout autre chose avec la nouvelle création chorégraphique de José Besprosvany. Comme l'indique son titre espagnol, ce spectacle entend explorer le thème du miroir, sous toutes ses formes. Le chorégraphe s'inspire de la méthode du plasticien Kosuth qui d'une chaise en fit trois visions (« One and three chairs », 1965).

Ph. Loeckx

Dans un premier tableau, esthétiquement léché, deux danseurs immergés dans une projection mapping géométrique (de Yannick Jacquet) jouent chacun le reflet de l'autre. Chacun face à un public en bifrontal (le spectateur est donc face à son propre reflet) répète les mouvements de l'autre, parfois en légère désynchronisation, jouant sur les rythmes (d'une musique électronique efficace de Laurent Delforge) et sur les effets d'ombre et de lumière de panneaux tantôt translucides, tantôt opaques. La danse se veut millimétrique, froide mais élégante.

Loin d'une intériorité profonde de la deuxième partie, conceptuelle et presque théorique. Toujours pas le biais d'une projection mais sur base des mots de François Prodhomme, josé Besprosvany souhaite nous faire part de l'enjeu du chorégraphe qui par ses choix construit sa danse telle qu'il l voit, dans ce qu'elle montre et ce qu'elle ne montre pas. La mathématique du mouvement est ici jetée sur un tableau blanc, comme la page blanche de l'auteur se lançant dans l'écriture d'un nouveau roman.

Enfin, place à l'épure, le duo, qui nous tient en haleine depuis le début, se débarrasse des artifices techniques pour retrouver un plateau nu. Sur un classique de Schubert quelque peu remanié, Gabriel David Nieto et Lisard Tranis -face à face, dos à dos, côte à côte- jouent une partition beaucoup plus organique et plus tactile. Les deux interprètes concluent une démonstration par le retour à la nature du mouvement, créant toujours de belles images. Avec cette nouvelle création, à la structure limpide et aux interprètes très convaincants, José Besprosvany persuade de son élégance et de son propos. De qui sommes-nous le reflet ? Quelle image projetons-nous aux autres ? De quel côté du miroir se cache l'authenticité ?

M. Follower

De la danse toujours, mais beaucoup plus narrative. La Compagnie Opinion Public poursuit depuis cinq ans une recherche sur l'alliance de la technique visuelle à la chaleur du spectacle vivant. Dans cette nouvelle création, les cinq danseurs, formés à l'école Béjart, tracent l'histoire d'un quidam pris dans les tentacules du show-business et de la télé-réalité. Le public assiste à la descente aux enfers d'un certain M. Follower, bonhomme qui ne demandait rien à personne devant son poste de télé. Une fois séduit par un habile animateur, il se laisse embobiné par les promesses de gloire télévisuelle. C'est une vraie comédie qui se joue devant nous, un style rare en danse contemporaine, dotée toutefois d'une certaine noirceur.

Soulignons la dynamique du spectacle et sa belle inventivité visuelle. Avec un trio musical assez endiablé, des beaux moments dansés, notamment dans les solos, là où les moments de groupe pêchent parfois d'un manque de diversité de mouvements ou forçant trop l'acrobatie. Mais la danse reste belle, sans chichis, faisant de « M. Follower », un sympathique spectacle pour tous les âges.

Nicolas Naizy