Marie Andersen: Femme, homme, une question de sexe et de genre

par
Laura
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Omniprésente dans notre société, la norme n'en est pas moins discriminatoire. Alors que les hommes et les femmes subissent quotidiennement le poids des stéréotypes, la situation est encore plus difficile à vivre pour celui doté d'un corps «hors norme».

Qualifier la différence homme-femme de «biologique» est une véritable menace selon vous.

«C'est une menace si on fait dire à la science ce qu'elle ne dit pas, comme l'idée que la biologie est la cause des différences entre les hommes et les femmes. Si cette différence était liée à la biologie elle aurait une puissance indémontable. Si les femmes et les hommes sont comme ils sont c'est à cause de constructions psychique et culturelle. Or, ce qu'on fait dire à la biologie aujourd'hui, c'est un discours rétrograde. Lorsque le président de l'université de Harvard a fait un discours expliquant que s'il y avait peu de filles dans les filières scientifiques c'était du fait que leur cerveau n'était pas apte à être tourné vers les sciences, c'est un discours très très grave. C'est une manière de refermer un chemin que nos mères et nos grands-mères ont quand même courageusement ouvert, c'est cela que je trouve interpellant.»

Vous dites que notre société est moins tolérante que celle «des années 1960».

«Dans les années 60 et 70, il y avait un vrai désir d'égalité et d'ouverture que je ne vois plus aujourd'hui. Il y a une société de consommation ultra envahissante qui différencie, en fonction du sexe, les jouets roses et bleus et la mode vestimentaire dès la barboteuse. Il y a même un retour vers les écoles non mixtes qui rouvrent alors que dans les années 70 c'était devenu l'inverse.»

Chaque époque génère des normes, qu'elles sont celles qui composent notre société actuelle?

«En ce qui nous concerne, il y en a une qui domine toutes les sociétés et toutes les époques, c'est la binarité du genre, le fait que la société est constituée en deux groupes, les hommes, les femmes. C'est une norme qui nous saute aux yeux à tout moment par le fait qu'elle soit hyper visible et qu'elle a énormément d'incidence, elle est dominante. On attribue à la différence des sexes une importance qu'elle n'a pas. On la met partout alors qu'elle n'a d'importance qu'à un seul endroit: la procréation. Il est évident qu'à ce moment-là, la différence des sexes est absolument importante, incontournable. Mais au-delà de cela, tout est déconstruit. Il n‘y a pas d'intelligence masculine ni d'intelligence féminine. Si statistiquement on voit des différences que l'on reconnaît chez une majorité de garçons et de filles, c'est simplement parce que la culture et le psychisme nous ont amené à fonctionner comme cela.»

Vous admettez pourtant que les normes sont nécessaires dans notre société, qu'elles la stabilisent bien que ce soit elles également qui excluent certains citoyens.

«Un pays sans norme cela voudrait aussi dire un pays sans loi, un pays sans référence, cela serait l'anarchie, c'est-à-dire à la fois le chaos mais aussi la loi du plus fort. C'est cela le rapport entre la norme et les gens qui sont ‘hors norme'. Il y a eu en France une décision de justice qui a accordé le sexe neutre à un intersexué. C'est une décision de justice qui a fait assez parler d'elle. La toute grande majorité des gens peuvent ne pas se sentir concerné par cette histoire. Or, on est concerné parce qu'on peut se sentir bien dans la norme, ce qui est la plus grande majorité des gens, mais ça ne nous donne pas le droit, ni même moralement la possibilité d'exclure des gens. Moi je lutte pour une société qui n'exclut pas les minorités, qui ne fait de mal à personne.»

Vous dites que cela pose problème à partir du moment où le «hors norme» est considéré comme une pathologie?

«Oui, c'est ce qui a été jadis le cas avec l'homosexualité, ça ne l'est heureusement plus aujourd'hui. Mais ça l'est avec tout ce qui est transsexualité, intersexualité, transgenre…»

En quelques lignes

Deux sexes, deux genres ? La réalité est beaucoup plus complexe que la différenciation homme-femme que l'on connaît. Bien que la société actuelle considère cette norme comme incontournable, la réalité diffère de par l'existence d'une minorité non négligeable: les transsexuels. Des personnes considérées comme «hors norme» sur lesquelles a voulu s'arrêter Marie Andersen, afin de faire le point sur la question du sexe mais surtout de l'identité du genre. À travers son ouvrage, la psychologue belge décortique le sujet en long, en large et en travers, en abordant plus généralement la question des stéréotypes qui accompagnent chacun des deux sexes et de la cause «naturelle» sur laquelle la société s'appuie pour les justifier.

«Bon sexe, bon genre», de Marie Andersen, Ixelles éditions, 294 pages, 19,90€