Matthias Schoenaerts cherche ses limites dans «Maryland»

par
ThomasW
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Depuis sa métamorphose spectaculaire pour «Rundskop», on sait que Matthias Schoenaerts ne fait pas les choses à moitié. Dans «Maryland», présenté récemment au Festival du Film d'Ostende, il n'en va pas autrement: pour son rôle de soldat d'élite qui revient d'Afghanistan avec un énorme stress post-traumatique, la star anversoise est allée très loin. Trop loin, dit-elle. «Je me rends compte maintenant que je dois mieux prendre soin de moi."

Matthias, comment décririez-vous un stress post-traumatique à quelqu'un qui n'a jamais connu ça?

Matthias Schoenaerts: "Lorsque vous avez un stress post-traumatique, votre système nerveux est complètement dans le brouillard et vous êtes totalement perturbé psychiquement aussi. Votre corps va donc réagir de façon très extrême à certains influx nerveux. En deux mots: vous êtes une épave émotionnellement, moralement et physiquement. C'est une maladie dont on parle très peu, mais qui touche néanmoins 60 à 70% de tous les soldats qui reviennent d'une guerre. C'est la raison pour laquelle je trouvais important de l'aborder dans un film. Il me semblait en outre que ce serait un grand défi de jouer cet état. J'en avais en même temps un peu peur, mais cela stimule justement ma combativité. (rires)»

Un peu peur, car vous saviez qu'il faudrait aller loin?

«C'était surtout à cause de la responsabilité que je sentais vis-à-vis des personnes qui souffrent vraiment de stress post-traumatique. J'en ai rencontré quelques-unes, et quand je les regardais dans les yeux, je sentais tout d'un coup jusqu'où ce genre de choses pouvait aller: ces gars sont troublés en permanence, ils entendent et voient des choses constamment. En tant qu'acteur, on ne peut jouer ça comme ça. Je voulais vraiment me rapprocher de leur état mental.»

Cela demande énormément de préparation, j'imagine?

«Oui, mais malheureusement, j'ai eu beaucoup trop peu de temps. Normalement, il devait y avoir sept semaines entre le tournage de mon film précédent et ‘Maryland'. Mais lorsque Diane Kruger, ma partenaire à l'écran, risquait tout d'un coup de ne plus être disponible, nous avons dû commencer beaucoup plus tôt et je n'avais plus que trois semaines pour me reprogrammer complètement. Je pensais que je n'y arriverais jamais. Cela m'empêchait de dormir: j'ai vraiment eu des problèmes d'insomnie. Mais, cela a eu pour conséquence que je me suis quand même retrouvé très proche de l'état mental de mon personnage Vincent et cela, avec une rapidité terrifiante. Tout d'un coup je souffrais vraiment de crises d'angoisses. Alors, j'ai cherché mes propres limites. ‘Je me pousse encore un peu plus loin', me suis-je dit.»

N'êtes-vous pas allé juste un peu trop loin? Vous vous êtes retrouvé aux soins intensifs.

«C'est exact. Après la septième semaine de tournage, je me suis effondré à trois heures du matin dans la rue. J'étais exténué, je dormais en moyenne deux heures par nuit. Cela a eu pour conséquence que mon corps a réagi à outrance à une allergie qu'en temps normal, j'aurais parfaitement pu contrôler. Mais des examens ont révélé que j'avais dans mon sang cinq fois plus d'hormones de stress que normalement. J'ai eu la chance que quelqu'un m'ait trouvé dans la rue, car j'aurais tout aussi bien pu être mort, ou me retrouver paralysé en partie à cause d'un manque d'oxygène prolongé dans le cerveau. Mais, lorsque je suis retourné sur le plateau, après mon petit week-end aux soins intensifs, je ne l'ai pas tout de suite signalé à la production. Je ne voulais pas que quelqu'un panique.»

N'avez-vous jamais paniqué vous-même? La réalisatrice Alice Winocour a dit que vous deveniez bipolaire sur le plateau. Votre père souffrait de ce trouble lui aussi. Cela ne vous a pas fait peur?

«Je n'y pensais pas encore à ce moment-là. Je pensais seulement: ‘Voilà la zone où je dois être pour ce rôle'. À ces moments-là, surgit chez moi une sorte d'attitude excessive ‘tout pour l'art'. À la limite de l'irresponsabilité, parfois. Mais il n'y a pas d'alternative pour moi. C'est la seule manière dont je peux travailler. Je suis pareil aussi en amour: si j'aime quelqu'un, alors je me donne complètement. Je ne connais pas de juste milieu. Même si avec ‘Maryland', j'ai quand même réalisé que je dois parfois prendre un peu plus soin de moi.»

Autre chose: les tournages de la série pour HBO «Lewis & Clark», où vous avez un rôle principal aux côtés de Casey Affleck, ont été interrompus récemment après le départ du réalisateur. On ne vous attend sur le plateau qu'au début de l'année prochaine. Qu'allez-vous faire, entre-temps?

«Prendre des vacances! Et j'en suis très heureux, elles sont vraiment les bienvenues. Je suis en train de lire beaucoup de scénarios. Et au printemps prochain, en tous les cas, nous allons enfin tourner ‘Le Fidèle' de Michaël Roskam. Adèle Exarchopoulos (révélée par la Palme d'Or ‘La Vie d'Adèle', ndlr) va participer au film, l'essentiel de l'équipe est donc constitué. Je suis très impatient de faire ce film. Ce sera un amour noir, une histoire d'amour avec la pègre bruxelloise en toile de fond.»

À nouveau un rôle exigeant?

«Oui. Michaël ne me facilite pas les choses. Mais j'aime travailler avec des gens qui ne me facilitent pas les choses. (rires)»

Mais plus de transformation physique à la ‘Rundskop'?

«Non, ce sera un personnage beaucoup plus fin. Michaël et moi imaginons un homme qui a la grâce et l'élégance d'un Patrick Haemers. Je trouve ça un beau contraste avec le milieu dans lequel évolue ce genre de gangster: d'une part, il représente un grand danger, mais d'autre part, il a quelque chose de raffiné et il s'exprime avec facilité. Cela dit: l'histoire du film n'a rien à voir avec Patrick Haemers. Mais je ne peux vraiment pas en dire plus!»

Lieven Trio