Le retour clair-obscur d'Aaron "On est attiré par l'inconnu"

par
ThomasW
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Cinq ans après «Birds in the Storm», huit ans depuis le tube «U-Turn (Lili)», Aaron passe aujourd'hui en mode électro-pop pour mettre en scène ses émotions en clair-obscur. Le style évolue, mais Aaron garde la maîtrise.

Vous avez voulu vous «réinventer» pour cet album. Quelle était votre envie de départ?

Simon Buret: «On voulait surtout ne pas se répéter. C'est une volonté que l'on a entre chaque album. On est plus attiré par l'inconnu que par ce que l'on sait déjà faire. Que ce soit mélodiquement ou dans les matières. En général, le morceau qui vient d'être fait va influencer le suivant. On voulait faire un album très homogène.»

Olivier Coursier: «On ne voulait pas de redite, mais voir devant. Les choses que l'on avait déjà faites nous intéressaient un peu moins. En fait, on prend du temps entre deux albums, donc il nous fallait quelque chose de réellement nouveau pour nous, qu'il y ait une réelle excitation.»

SB: «Et aussi tout resserrer, que ce soit dans les émotions, les mélodies, aller au cœur même des choses et le retranscrire.»

Quel était le morceau originel qui a donné la couleur?

SB: «C'est ‘Blouson Noir' qui a ouvert les portes de cet album. On était super-excité quand on a terminé ce morceau, et on a pris cette direction.»

Et vous l'avez sorti comme premier single.

OC: «Pas parce que c'était le premier morceau mais parce qu'il s'y prêtait bien. Mais c'était pour nous une belle introduction.»

Le parti pris de cet album est clairement électro-pop.

SB: «On n'aime pas trop l'idée de s'enfermer dans un style musical. Du coup, on était plus dans l'idée de coller aux émotions que l'on avait en tête, et voir quelles matières pouvaient les transformer. Beaucoup de sons qui sonnent électro viennent en fait d'instruments traditionnels que l'on a bidouillés. On aime sculpter des sons, mettre des muscles autour du squelette que sont le texte et la mélodie. On essaye de saisir les émotions qui sont des choses très fugitives, et finalement peu importe le médium ou l'instrument tant qu'il véhicule quelque chose.»

Et ces émotions sont carrément clair-obscur. Il est souvent question de pluies et de nuits.

SB: «Oui, et pourtant ‘Invisible Stains' ou ‘Onassis' sont des chansons qui ont été écrites en plein soleil. Avant tout, on essaye de faire de la musique connectée à nous-mêmes. Et cela peut être très solaire. Mais c'est vrai que les moments où tu te sens le plus vivant, c'est lorsque tu es fragilisé ou en danger. C'est là que la création arrive.»

Le titre de l'album «We Cut The Night» donne déjà des pistes.

SB: «Couper la nuit grâce à la musique, couper ta solitude. En concert, il y a cette idée de couper ensemble les choses, le fil tendu qu'il y a entre les gens, entre mon intime et l'extérieur. Voilà tout ce qu'apporte la musique.»

On évoque souvent la complicité qu'il y a entre vous deux. Est-ce qu'elle est toujours aussi forte?

OC: «Oui, complètement. On se pousse vraiment l'un l'autre à aller chercher des choses, à ne pas rester sur nos acquis, à sortir des terres de confort. Tu pousses l'autre et tu regardes ce qu'il se passe. La méthode ne change pas trop. Cela peut partir d'un texte ou d'une mélodie que l'un de nous deux va apporter. Mais ce qui a changé, c'est qu'on a voulu que les morceaux fonctionnent également en piano-voix. Les arrangements sont venus ensuite.»

Et pour les textes?

SB: «J'écris et puis j'essaye de voir ce qu'il se passe, l'émotion sonore liée à l'émotion textuelle. Pour cet album, j'ai essayé d'aller au centre des choses, que les métaphores soient assez brutes. J'ai essayé d'aller dans des sensations proches de la nature. Ce qui me parle, c'est ce qui m'entoure. Je trouve qu'il y a un vrai rapport physique entre les émotions et ce qui se passe dans la nature.»

Pourquoi cette longue durée entre deux albums?

OC: «Les deux premiers albums étaient assez proches. Puis il y a eu les tournées qui sont souvent longues. C'est génial, mais il faut à un moment retrouver un autre type de vie, voyager, faire autre chose, se ressourcer. Mais chaque album que l'on fait vient d'un besoin, et non d'une obligation commerciale. Et là, il nous fallait ce temps de pause.»

Pour lancer cet album, vous avez réalisé un trailer avec John Malkovich.

SB: «On voulait présenter l'album de manière différente, une peu comme une préface d'un livre. On ne voulait pas d'un teaser commercial, mais d'un texte dit par quelqu'un d'autre et qui donne envie d'entendre la suite. C'était intéressant de trouver l'incarnation de ‘We cut the night'. On a rencontré John, on lui a parlé du projet, je lui ai fait écouter ‘Blouson Noir', et ça lui parlait. Du coup, on a décidé d'aller plus loin. J'ai fait un texte qui rassemblait quelques phrases de différentes chansons, et il l'a évidemment superbement bien incarné.»

Vous êtes très attendus. Les dates de concerts sont rapidement sold out.

OC: «On est vraiment très contents. On a hâte de partager cela.»

SB: «Oui, c'est assez beau de voir ce lien. Malgré le temps, les gens sont encore curieux de connaître notre travail. On a joué ici au BSF, et on a pu voir la réaction bienveillante des gens. Tu peux prendre des risques et ils acceptent. C'est dingue pour nous.»

Pierre Jacobs

Aaron «We Cute the Night» (Pias)

Ph. François Berthier