Inde: De plus en plus de vaches sacrées dans les refuges depuis l'interdiction de leur mise à mort

par
ThomasW
Temps de lecture 2 min.

Dans un refuge pour vaches en périphérie de Bombay, dans l'ouest de l'Inde, des équipes spécialisées prennent soin des bovins vieillissants, récemment sauvés de l'abattoir. Ils affluent de plus en plus nombreux depuis le vote d'une nouvelle loi interdisant leur mise à mort. «Nous les nourrissons, nous les baignons et s'il leur arrive quelque chose, nous nous sentons mal", explique Sitaram Mangashid, un employé de ce refuge, le Shree Gopala Gaushala.

Ce lieu est l'un des quelque 25.000 «gaushalas», ou «refuge pour vaches», installés en Inde pour mettre à l'abri les bovins de tout abattage illégal ou pour les prendre en charge durant leurs dernières années de vie. Il accueille 450 vaches, considérées comme sacrées par les hindous en Inde, et doit faire face à une arrivée massive de bovins âgés depuis l'interdiction il y a trois mois de tout abattage de bœuf par l'Etat du Maharashtra, dont la capitale est Bombay.

L'interdiction imposée par le gouvernement de cet Etat de l'ouest de l'Inde a été obtenue sous la pression des hindous les plus radicaux et est considérée par les minorités religieuses comme un signe de leur influence croissance depuis l'arrivée au pouvoir en Inde du nationaliste hindou Narendra Modi. Sur son site internet, le Shree Gopala, un gaushala privé créé en 2002, s'affiche comme «une maison pour les vaches et bovins malheureux». Il emploie 45 personnes, abrite 1.600 animaux dont des taureaux, des bœufs et des buffles d'eau. L'histoire de ces animaux varie. Certaines vaches trop vieilles pour la traite ont été amenées par leur propriétaire, d'autres ont échappé à la mort dans un abattoir illégal, certaines ont été victimes d'un accident de la route, d'autres ont été abandonnées après être tombées malades d'avoir ingéré du plastique dans un tas d'ordure...

'Comme des membres de la famille'

Les bovins blessés sont opérés et chaque ruminant est suivi avec soin jusqu'à sa mort. Quand vient ce moment, un prêtre accomplit les derniers rites. «Il prie pour que l'âme du défunt repose en paix et un petit rituel est accompli avec une guirlande ou des fleurs", explique Ranade à l'AFP.

«Nous avons des vaches aveugles, certaines n'ont qu'un œil ou trois jambes mais nous nous en occupons jusqu'à leur mort. Nous les traitons comme des membres de notre famille", dit-il. En mars, le Maharashtra a étendu aux taureaux et aux bœufs l'interdiction de l'abattage prise pour les vaches en 1976, une infraction punie de cinq ans de prison. L'abattage de buffle d'eau reste légal. Depuis cette nouvelle législation, près de 30 bovins âgés arrivent chaque mois au Shree Gopala, selon le secrétaire. Les autorités ont annoncé un projet de construction de trois refuges gérés par l'Etat pour aider les organisations privées débordées. «Nous sommes surchargés, ils doivent construire d'autres refuges pour aider ces vaches. Les coûts de main d'œuvre et du fourrage augmentent et nous ne recevons aucune subvention. C'est très difficile", ajoute le responsable du Bombay Panjrapole.

Désarroi des bouchers musulmans

Dans les abattoirs légaux de Bombay et au sein de la communauté des bouchers musulmans, l'interdiction d'abattage du bœuf a en revanche porté un coup sévère à l'activité. Selon Appasing Pawra, un ancien cadre de l'abattoir de Deonar, il n'y a plus que 250 buffles d'eau tués par jour, contre 550 abattages de bovins par jour auparavant. Le président de l'association des vendeurs de bovins de la région de Bombay, Mohammed Ali Qureshi, estime qu'un millier de boucheries ont dû fermer et que les ventes ont reculé de 75% en trois mois.

Pour lui, la nouvelle loi, décidée par une alliance conduite par les hindous du Bharatiya Janata Party (BJP) de l'Etat, s'en prend injustement aux musulmans. «La communauté des bouchers est musulmane à 99%. Ils sont bouchers depuis des générations et ne savent faire qu'une chose, tailler la viande", relève-t-il. Ces gens «n'ont aucune autre qualification et ne savent pas quoi faire d'autre", mais «l'Etat n'a prévu aucun plan de reconversion". Pendant ce temps, au Shree Gopala, Ranade assure qu'il sauvera le plus de vaches possible de l'abattage illégal. «Nous laissons notre porte ouverte. Les vaches renforcent notre bien-être spirituel et ont le pouvoir de supprimer toute énergie négative".