Sur les planches cette semaine - 19 mars 2015

par
Nicolas
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Chaque semaine, Metro pose un regard critique sur les spectacles à voir dans nos théâtres.

Liebman renégat

Après avoir connu une version courte au sein des "Contes hérético-urbains" présentés au Poche en décembre 2012, l'hommage de Riton Liebman à son père s'apprécie aujourd'hui en long avec le même plaisir. Marcel Liebman (1929-1986), professeur d'histoire politique engagé à l'ULB, avait le don d'énerver les membres de la communauté juive bruxelloise par son engagement pro-palestinien. "Dommage que vous ne soyez pas mort à Auschwitz", lui fit d'ailleurs remarquer un jour une vieille dame. Et ce devant les yeux de son fiston, qui n'a jamais compris la raison d'un tel ressentiment envers son paternel.  "Liebman renégat" se révèle donc être l'alliance subtile d'une histoire de famille traitée avec humour et d'ue regard tendre sur un militantisme de gauche typique des années 60 à 80. Au fil de ses souvenirs , le comédien nous raconte son admiration pour cette figure intellectuelle parfois écrasante et le regret de ne pas avoir partagé une complète relation père-fils. Car outre le parcours de Marcel, Riton revient sur ses choix de vie, la voie des paillettes, du cinéma et d'une vie nocturne débridée qui l'a éloigné quelque peu de son géniteur, enlevé trop tôt par la maladie. Cette histoire d'une famille belge juive de gauche prend une belle ampleur dans une mise en scène de David Murgia, qui laisse le récit au centre en l'habillant d'un accompagnement musical très complice du jeune Philippe Orivel, avec lequel Riton Liebman ne manque pas d'interagir et de divaguer.

Children of Nowhere

Il est de ces endroits fantômes que les artistes aiment approcher en sondant les voix qui y sont enfouies. Dans "Ghost Road", Fabrice Murgia avait ainsi réveillé les fantômes bien vivants au bord des routes interminables du désert californien. "Children of Nowhere" plonge dans un passé douloureux, celui de la dictature de Pinochet. En plein désert de l'Atacama, le village de Chacabuco, aujourd'hui lieu de mémoire, a vu dans ses masures les prisonniers politiques succéder aux mineurs de salpêtre. Comme dans son premier volet, le metteur en scène en appelle à la vidéo, fruit d'un travail d'enquête et d'interview in situ. La comédienne Vivianne De Muynck, de sa voix rauque, apporte une présence sur le plateau liant les témoignages sur écran entre eux, des souvenirs de l'inhumanité du régime et du semblant d'humanité recréé dans ce décor ensablé. La poésie est apportée par une introduction aux airs de comptine enfantine et d'un quatuor à cordes Aton' & Armide, Fabrice Murgia ayant répété ici sa collaboration avec LOD Muziektheater de Dominique Pauwels. Le spectateur devra sans doute dépasser l'apparente froideur formelle de "Children of Nowhere" pour se laisser emporter par les chants et récits émus de ces combattants de la liberté qui ont laissé s'éteindre de trop nombreuses années, quand ce n'est pas leur vie, sous le soleil hostile de ce désert chilien.

Occident

Voilà des reprises comme on les aime. Dans "Occident", l'auteur Rémi De Vos explore le racisme de proximité, dans le café du coin de la rue. Il rentre à la maison après une soiré passée au Palace avec son pote Mohamed. Comme d'habitude, sa femme, restée patiemment au foyer, l'écoute. Mais ce soir, ça ne s'est pas passé comme prévu: les Yougoslaves ont cassé la gueule à Mohamed. Et là, c'est parti. Conflits de communauté, refrain malheureusement connu du "on n'est plus chez soi" ou "on les accueille et voilà ce qu'ils font". Mais pour jouer sur un tel discours, il faut y aller à fond. Sur fond d'intérieur populaire au papier-peint fleuri, Frédéric Dussenne en fait une farce drôle mais surtout grinçante de subtilité, aux répliques comme des gifles. Couple magnifique à la scène, Monsieur, Philippe Jeusette, chante les plus beaux Sardou sous la douche, pendant que Madame, Valérie Bauchau s'égosille sur sa grossière moitié enivrée. Ils sont tous les deux bousculés dans leur quotidien et leurs certitudes. Et nous aussi d'ailleurs.

Enfin on termine par une annonce...

XS Festival

Entre 5 et 30 minutes, pas plus! La forme courte au théâtre n'est plus du seul fait des work in progress et autres étapes de travail. Depuis cinq ans, le XS Festival, rpogrammé par Alexandre Caputo fait voyager ses spectateurs dans tous les recoins du Théâtre National, du stock de décors à la terrasse du 5e, trois soirs de suite pour découvrir des spectacles qui ont la mission de nous accrocher, de nous émouvoir, de nous parler, de nous faire rire en quelques minutes. Jeunes talents et artistes confirmés s'essayent à cet exercice, qui loin de concevoir la culture comme un buffet, nous invite à découvrir des formes parfois audacieuses. Théâtre, mais aussi danse, cirque, performance et marionnettes, à bas les frontières! Le TOF Théâtre d'Alian Moreau, Anne-Cécile Vandalem, Vincent Glowinski (alias Bonom), Florence Minder, la compagnie 3637, etc. Et si vous n'avez pas le temps de tout voir en un soir, en deux ou trois soirées, c'est possible!Créé l'année dernière, l'hypnotisant "Hérétiques" de la chorégraphe Ayelen Parolin: deux danseurs poussent la répétition du mouvement à l'évolution lente à son paroxysme sur fond de piano volontairement trituré. C'est à une sorte de rituel chamanique qu'on assiste... Voici un petit avant-goût en vidéo

Nicolas Naizy

Crédits photo: Leslie Artamonow / Elisabeth Woronoff / Emilie Lauwers